Rendez-vous sur le terrain vague

Ce n’est plus l’heure des confinements, mais nous ne nous voyons plus beaucoup. Ni en public, ni au jardin, ni sur le pas de nos portes… Nous ne nous voyons plus et, à force, je ne sais plus trop où vous en êtes. J’ai aperçu chez certains quelques sourires gênés et, avant de basculer dans la parano (genre ils vont bientôt me dénoncer, ils pensent que je dois vivre avec mon temps…), je me suis dit que j’allais vous écrire. A une époque qui fait parler les chiffres et réduit les lettres au silence, c’est peut-être une bonne chose.

Vous le savez : je suis décroissant, et ai tendance à manifester mon désaccord vis-à-vis des actuels « projets ». Evidemment je n’en connais pas tous les secrets détails, mais je crois apercevoir ce qui s’y trame. Il n’y a qu’à se rappeler ce qui s’est passé quand la maladie est arrivée : les pouvoirs publics se sont empressés de faire oublier les savoirs anciens, la mémoire de l’expérience humaine, pour installer partout du nouveau. De nouvelles têtes, de nouvelles voix au micro, de nouvelles règles au nom d’un nouveau conseil scientifique avec de nouvelles méthodes. Et ils ont verrouillé plus encore leur système technique, histoire de jouir plus encore de ses dysfonctionnements et de la nécessité de le réparer pour le faire progresser, pour aller de l’avant comme ils disent. Ils ont obligé beaucoup de personnes à courir pour coller au rythme de leurs initiatives, pour attraper leur train d’enfer.

De mon côté, certes, je n’ai pas couru, et loin s’en faut. Mais ça ne m’a pas empêché d’être déçu : j’avais espéré que quelque chose serait née du premier confinement, cet événement qui nous avait tous ralentis, traversés, sidérés. J’avais espéré que le sens de la vie serait questionné alentour (sauf par les élus, évidemment), j’ai malheureusement dû constater que ce ne serait pas le cas, qu’il n’y aurait pas de philosophie.

Aujourd’hui c’est pire : je suis dans la crainte. J’ai peur d’être définitivement rangé du côté de « ceux qui ne veulent rien foutre », ou « ceux qui ne pensent qu’à tout casser », ou « ceux qui ne veulent pas voter », ou « ceux qui veulent se séparer », voire « ceux qui veulent vous envahir »… Je crains en tout cas de ressembler à « ceux qui refusent de suivre les règles sans lesquelles il n’y a pas de collectif, et qui donc ne devraient plus appartenir à la société ». Bref : devenir un paria aux yeux de « ceux qui savent » et qui…

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Auteur: lundimatin