Réseaux sociaux, manipulations, « astroturfing » : comment les lobbys industriels avancent masqués

Basta ! : Vous décrivez dans votre livre une mutation des stratégies de lobbying concernant l’utilisation de la science. Les industriels ne se contenteraient plus seulement de l’instrumentaliser en fabriquant leurs propres études – une stratégie désormais bien connue – mais ils cherchent également de nouveaux relais, notamment sur internet, à travers des influenceurs ou des citoyens lambdas qui vont ainsi contribuer à diffuser leurs messages, toujours sous couvert de l’ « autorité » de la science. Comment fonctionne ce mécanisme ?

Sylvain Laurens : Il faut imaginer deux planètes qui s’aligneraient : la première, ce sont les stratégies du lobbying industriel, dont la trajectoire consiste à se donner toujours plus l’apparence d’un soutien d’ « en bas ». Ils vont aller chercher des soutiens au plus près des citoyens, notamment grâce à la technique de « l’astroturfing » [méthode consistant à simuler un mouvement de masse, spontané et populaire, qui est en réalité créé de toutes pièces, orchestré et coordonné par un groupe de personnes aux intérêts commerciaux, ndlr]. Appliquée à la science, cela donne des ONG comme Sense About Science qui offrent l’illusion d’une association d’amateurs de science, qui se lèveraient spontanément pour la défendre, alors qu’ils sont en réalité payés par l’industrie…

La deuxième planète, c’est celle des mouvements rationalistes et des organisations de défense de la science, telles que l’Afis (Association française pour l’information scientifique) ou les mouvements zététiques. Depuis les années 1980, ces associations ont connu une évolution importante avec la prise de pouvoir progressive des ingénieurs en leur sein. Dès lors, la défense de la science a de plus en plus consisté à défendre l’innovation. Autrement dit, tout ce qui pourrait entraver les applications techniques de la science, telles que les OGM ou les antennes-relais par exemple, devenait de « l’anti-science ». Aujourd’hui, il devient compliqué de distinguer ce qui est véritablement de l’ordre d’une association d’amateurs de science portée par des ingénieurs, et ce qui est de l’ordre des stratégies d’industrie. Ce sont deux phénomènes qui se rencontrent. Au final, on se retrouve avec les mots d’ordre de Monsanto ou d’autres industriels inscrits dans les bulletins d’associations bénévoles de défenseurs de la science… Les réseaux sociaux facilitent cette connexion, puisqu’on y met en circulation des argumentaires qui…

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Auteur: Barnabé Binctin, Olivier Petitjean