Retour sur la campagne numérique de 2022.

Je suis parfois sollicité par différents médias sur la question du versant numérique des campagnes politiques. Et j’ai en effet déjà beaucoup écrit sur le sujet. En vrac et sans prétention à l’exhaustivité : « aucun algorithme jamais, ne pourra défendre la démocratie » (2018), « NationBuilder : construire une nation comme un fichier client » (2016), « Politburo motorisé » (2008 !), « ingénieries sociales du vote » (2017), « le pari de Pascal, de pascal Zuckerberg » (2016), et des dizaines d’autres, sans parler de tous les articles « dédiés » à la part des algorithmes et des plateformes dans différentes stratégies d’influence en période électorale et/ou sur des sujets de société, et aussi ces deux merveilleux ouvrages où cette question, celle du rôle politique des plateformes, est centrale : « L’appétit des géants » (2017) et « Le monde selon Zuckerberg » (2020). 

Le premier tour de cette élection a fourni une indication intéressante sur la capacité et la fonction d’anamorphose des réseaux sociaux sur le plan politique (et sur d’autres plans aussi, mais ce n’est pas le sujet du jour). 

Les réseaux sociaux donnent, c’est acquis, une image déformée du réel. Une anamorphose paradoxale qui à la différence des cartes utilisant cette technique pour mieux expliciter le réel à l’aide d’échelles de lecture explicites, prétend rendre compte d’une vue exacte de la réalité alors même qu’elle n’est bâtie que sur un ensemble de processus discursifs et algorithmiques permettant de s’en affranchir pour différents motifs (d’audience, de publicité, de rentabilité, etc.).

Il faut donc le répéter sans pour autant le dramatiser ou le condamner par principe : les réseaux sociaux donnent une image déformée du réel. Déformée du fait des « bulles de filtre » ou plus exactement des déterminismes algorithmiques qui régulent nos interactions et les artificialisent ou les essentialisent. Et déformée car leur principe premier qui est celui des « audiences invisibles » (la majorité des destinataires du message sont supposés absents au moment de l’énonciation) fait que la visibilité de nos publications doit obligatoirement forcer le trait (du signifiant ou du signifié) pour ne pas avoir l’impression de parler dans le vide ou de publier dans le désert.

Les réseaux sociaux posent dès lors une double question au regard de leur audience naturelle** mais aussi et surtout au regard de la dynamique instrumentale de reprise qui leur est assignée par l’ensemble des autres médias, à commencer par les chaînes de télévision. Cette…

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Auteur: olivierertzscheid Olivier Ertzscheid