Retraites et démobilisation sociale : l'éternel retour

Alors que des grèves d’ampleur s’organisent dans la fonction publique et de nombreux secteurs du privé contre la réforme des retraites, le reportage et l’information sociale pourraient avoir le vent en poupe dans les rédactions. Las, à quelques (rares) exceptions près, c’est l’inverse qui se produit. L’organisation collective de l’action syndicale et politique – sur les lieux de travail, dans les quartiers, etc. – est un non-sujet, et les travailleurs mobilisés ne sont entendus, au mieux, que par le biais de micros-trottoirs : des formats courts, par définition, qui isolent et individualisent de surcroît la parole des acteurs en écrasant le collectif. Incapable de s’intéresser aux formes et aux enjeux du combat social et de son organisation, le journalisme dominant suit, à la lettre, sa feuille de route traditionnelle par temps de « réforme » : les professionnels du commentaire accaparent plateaux et micros pour diagnostiquer à grands coups de sonde l’état de « l’opinion », pronostiquer l’étendue des « galères » du futur « jeudi noir », et marginaliser syndicalistes et opposants politiques : retour sur une semaine de mobilisation médiatique… contre la mobilisation sociale.

« La réforme passera » : « fatalisme des Français »… ou détermination des chiens de garde ?

Au soir des annonces d’Élisabeth Borne, sur le plateau de « C dans l’air » (France 5, 10/01), Brice Teinturier (Ipsos) tient à rassurer la tablée : « Mon hypothèse, c’est que compte tenu des efforts qui ont été faits pour les régimes spéciaux, il peut y avoir une mobilisation forte mais je serais un peu étonné qu’elle dure des semaines et des semaines. Parce que d’abord, à mon avis, les gens ont quand même en grande partie intégré l’idée que si le gouvernement passe de 65 à 64 ans, il n’ira pas tellement au-delà en termes de négociations et […] vous vous mobilisez quand vous pensez quand même pouvoir arracher quelque chose. » Par un heureux hasard, les « impressions » de Gaëlle Macke, directrice déléguée de la rédaction de Challenges, confirment les « hypothèses » du sondologue : « Il y a quand même un certain fatalisme, on a l’impression, sur ce sujet. » Pour que le fatalisme se répande, rien de tel, en effet, que de le prescrire à toutes et à tous : « Tout le monde a compris qu’il y allait avoir une réforme des retraites de toute manière. […] La contestation ne changera pas le fait que politiquement, elle sera votée. Et en plus,…

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Auteur: Pauline Perrenot Acrimed