Révoltes Animales de Fahim Amir

Depuis quelques années années, les publications s’enchaînent sur les questions du vivant, de la frontière humanité – animalité, et des autres manières de vivre, mode d’existence végétal compris. Certes, ces questions ne sont pas nouvelles, et des penseurs comme Giorgio Agamben (L’Ouvert, 2002) ou Jacques Derrida (L’animal que donc je suis, 2006) leur ont consacré d’importantes méditations à l’orée du siècle. Mais il y a là aussi le résultat d’un mouvement parti des universités des États-Unis il y a plus de trente ans, qu’on se réfère à l’émergence de l’épistémologie hybride de Donna Haraway (aboutissant à la théorie de la Connaissance située, en 1988) ou à une éthique anti-spéciste portée par Peter Singer (La libération animale, de 1975), qui place la question de la souffrance animale au cœur de ses réflexions.

Un regard sur l’actualité confirme la prégnance de ces thèmes. Qu’on pense aux régulières fuites d’images captées dans les élevages industriels, par exemple celles rendues publiques par l’association anti-spéciste L214 en 2017 ; à l’extinction d’espèces, parfois aussi essentielles et familières que les abeilles ; à la récente épidémie de Covid-19 qui, d’une part, a posé la question du rapport entre les zoonoses et les pratiques industrielles (tant du laboratoire P4 de Wuhan que des élevages de visons chinois, danois, espagnols, italiens), nous rendant d’autre part attentifs à notre inscription dans le continuum du vivant, un continuum à la stabilité précaire, menacé d’effondrement à tout moment.

Il est toutefois évident que dans l’approche de la question du vivant, un paradigme domine aujourd’hui l’espace francophone. Il est inspiré par les travaux de Bruno Latour et de ses partisans, et plaide pour l’invention de nouvelles formes de représentation politique, qui permettraient aux animaux, voire aux choses, de trouver leurs intérêts défendus. Mais derrière la complainte effondriste sur la disparition des animaux comme derrière les projets de réforme actuels de la politique représentative, il peut être tentant de voir le symptôme d’un désintérêt pour la politique humaniste traditionnelle, y compris dans son versant critique. C’est le reproche qui semble animer le philosophe Frédéric Lordon, qui s’en est pris récemment à cet ensemble de publications dans un article intitulé « Pleurnicher le vivant » (29 septembre 2021), en leur reprochant de ne jamais prononcer le mot de capitalisme.

Faut-il se résoudre…

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Auteur: lundimatin