Il fait beau, la France est confinée, et ce parking d’un supermarché nîmois est bien morose. Seul le gilet jaune de Roland Veuillet peut raviver jusqu’aux zones périurbaines les plus moribondes. Récemment sorti de prison, ce militant de 65 ans est l’homme de la situation pour nous parler des deux ans d’une lutte dont on aurait presque oublié le caractère révolutionnaire.
Issu d’un milieu ouvrier à l’ancienne, Roland bat le fer pendant dix ans aux chantiers navals de la Ciotat. C’est l’époque des bastions rouges, combatifs face à des directions syndicales déjà rongées par le réformisme. Nous sommes à la lisière des années 1980. « Les gardes mobiles se faisaient charger à coups de bâtons, encaissaient les jets de boulons, et personne n’était arrêté ! Les tribunaux ne se mêlaient pas tant des affaires sociales… » Mais les « restructurations » s’opèrent : les usines sont divisées, sous-traitées, l’intérim explose, et Bernard Tapie devient ministre de Mitterrand. « Je me suis reconvertis. J’ai passé mon bac, une maîtrise de psychologie et de fil en aiguille, je me suis retrouvé CPE au lycée Dhuoda, à Nîmes. »
Son patron, Claude Allègre, ministre jospino-chiraquien de l’Éducation nationale, s’apprête à « dégraisser le mammouth » (comprendre : licencier en masse). En 2003, les collègues de Roland se mobilisent mais l’État les rassurent : ne seront virés que les surveillants. « Corporatisme oblige, les profs ont lâché le combat. Pas moi. Au final, il y a eu quatre semaines de grève reconductible ! » En réaction, Roland est sanctionné pour « mise en danger de la sécurité des élèves » et muté à Lyon sur un poste fantôme. La grève nîmoise s’arrête. Scandalisé, Roland court 46 000 kilomètres et entame quatre grèves de la faim, dont une de 56 jours, devant le tribunal administratif de Lyon. « Je ne pouvais pas laisser passer une répression…
Auteur: Le Poing
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