Rhône bloqué : les éclusiers font barrage à la réforme des retraites

Reventin-Vaugris (Isère), reportage

La navigation sur le Rhône est en panne sèche. Depuis le 16 mars, l’écluse de Reventin-Vaugris, en Isère, est à l’arrêt. Le ventre de l’ouvrage est vide, ses portes closes et ses salariés en grève contre la réforme des retraites.

D’ordinaire, une quinzaine de péniches de fret la traverse quotidiennement. Mais depuis seize jours, les employés de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) bloquent la réouverture de ce site et de celui de Bollène, en aval, dans le Vaucluse.

Au bord du barrage hydroélectrique, un entrepôt a été réaménagé en salle commune. Les gardiens du canal y pèlent des patates pour la tambouille du midi. Au menu : purée et merguez grillées. Les grévistes entament leur troisième semaine de blocage.

De mémoire d’éclusier, c’est le plus long mouvement social mené sur le Rhône. « Et les paroles d’Emmanuel Macron ne nous ont pas apaisés, on est partis pour tenir », promet Delphine Peyron, assistante logistique et déléguée CGT qui dort presque chaque soir sur l’écluse depuis le début de la grève.

Pression

Un système de roulement a été mis en place pour maintenir l’occupation jour et nuit. Lyon, Valence, Sablons… Des salariés des sites de la CNR étalés de la frontière suisse aux rivages de la Méditerranée rallient Reventin-Vaugris et Bollène pour soutenir leurs camarades. Objectif : entraver l’axe de transport fluvial pour pousser les navigants à faire pression sur l’Élysée.

Les employés qui tiennent les piquets de grève perçoivent la réforme comme une double peine : rattachés aux industries électriques et gazières (IEG), ils ne pourront plus bénéficier de leur régime spécial de retraite et vont perdre la reconnaissance de pénibilité qu’établit ce statut.

À ce jour, les salariés des IEG cotisent à une caisse de retraite autonome à hauteur de 12,78 % de leur salaire, soit deux fois le taux médian du régime général. Jeune retraité depuis le 1ᵉʳ janvier, successivement agent mécanicien, dessinateur industriel puis chargé d’affaires, Sylvain, 57 ans, craint d’avoir cotisé en vain.

« Si les salariés passent au régime général, les nouveaux embauchés ne vont plus cotiser autant et les ressources de la caisse des IEG vont diminuer. À terme, ça peut précipiter sa disparition. Je ne sais pas si dans 20 ans ma caisse de retraite sera toujours là », dit celui qui a commencé à travailler à 18 ans.

Détricoter ce statut équivaudrait à mettre en péril les avantages sociaux qui y sont liés : en contrepartie d’une grille salariale plus basse qu’ailleurs, les IEG paient une partie de la facture d’électricité des salariés. Un complément de salaire nommé « tarif…

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Auteur: Reporterre