Rimbaud communard

Il y a 150 ans, Arthur Rimbaud écrivait les lettres dites « du Voyant ». Il y dessinait le programme poétique à venir, qui correspondait à la révolution communarde. « La Poésie ne rythmera plus l’action ; elle sera en avant ». Le poète liait ainsi étroitement son sort à celui de la Commune de Paris.

Il y a 150 ans, les 13 et 15 mai 1871, Arthur Rimbaud écrivait les deux fameuses lettres dites « du Voyant ». Dans sa seconde lettre, il pressait le destinataire de lui répondre : « vite car dans huit jours, je serais à Paris, peut-être ». Il n’y sera pas ; les troupes versaillaises étant entrées dans la capitale, la Semaine sanglante avait commencée. Loin des clichés sur la Voyance, ces lettres donnent à voir l’engagement poétique de l’auteur des Illuminations au miroir de la Commune de Paris.

Mal lu et mal compris, ramené aux proportions convenues du génie romantique, le programme poétique que développent les lettres de la mi-mai 1871 reprend en réalité nombre d’idées et de jugements qui étaient, sinon dans l’air du temps, du moins dans le fouillis chaotique de courants culturels plus ou moins marginaux, en ces temps marqués par la fin de l’Empire, la guerre et la révolution communarde. Rimbaud écrit vite, dresse un bilan partial et abrupt de la poésie, opère une critique du moi romantique et du lyrisme – du moins, d’un certain lyrisme –, reprenant à son compte ce que, assoiffé de lectures et de fugues, il avait lu ici ou là.

L’originalité de ces lettres tient, en réalité, au montage particulier de ces divers éléments, sous la forme d’une (auto-)critique de la poésie à l’aune de la Commune de Paris. À la « poésie subjective » – poésie auto-satisfaite et « horriblement fadasse » –, Rimbaud oppose la « poésie objective ». Plutôt que de glisser sur la surface des choses, de s’en tenir à l’évidence artificielle du donné, du déjà-là, il s’agit d’« arriver à l’inconnu », par le « dérèglement de tous les sens ».

Une lecture superficielle en fait un simple hymne aux drogues, à l’ivresse, au flux inconscient d’images stupéfiantes, aux portes ouvertes de la perception, que sais-je encore. On passe ainsi à côté de la méthode et de sa fin. Le dérèglement se doit, en effet, d’être « raisonné », fruit d’une expérience, qui est tout à la fois étude, devoir et travail. Et ce qui doit être déréglé, ce n’est pas seulement les sens et la vision, les formes et la parole, mais bien les conditions et la…

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Auteur: lundimatin