Rythmique et stratégies de la résistance iranienne

La deuxième semaine de novembre a marqué une nouvelle étape 
dans la montée en puissance du soulèvement iranien, qui traverse le pays
 depuis bientôt trois mois. Malgré l’absence de syndicats nationaux, un
 important mouvement de grève s’est amorcé en Iran : plusieurs centaines
 de commerçants ont gardé rideau fermé pendant plusieurs jours, y compris
 au Grand Bazar de Téhéran, où les propriétaires sont pourtant 
historiquement proches des Mollahs. Pourriez-vous nous expliquer en 
détail ce dont témoigne ce mouvement de grève ?

Chowra Makaremi : Les protestations sont rythmiques de plusieurs manières. D’un part, même si le mouvement se distingue des précédents par la continuité des protestations depuis plus de 90 jours, il y a des moments d’intenses activités et des moments de calme. Dans ces moments-là, ce sont les universités qui prennent le relai de la rue comme lieux de contestation en mode mineur pour maintenir la tension. On voit cette économie à travers un diagramme par exemple publié par une organisation de défense des droits située en Iran, qui recense les révoltes.


La culture zartoshti (zoroastrienne) pré-islamique est fondée sur l’idée d’un feu dont il faut préserver la flamme pour que jamais il ne s’éteigne (littéralement, un des rôles des prêtres était de conserver un feu dans les temples). Cette image, très parlante en Iran, est devenue une façon de concevoir l’insurrection actuelle dans la durée.

L’autre raison pour laquelle il est intéressant de suivre le rythme des révoltes, c’est que les moments d’activité plus intense investissent un calendrier précis qui a une dimension cyclique (qu’on pourrait distinguer d’un temps linéaire). Premièrement, il s’agit du cycle des deuils à travers les cérémonies de commémoration au troisième jour, au septième jour, au quarantième jour après la mort de chaque personne tuée en manifestation ou en détention. En particulier, les « quarantièmes » sont l’occasion de nouvelles manifestations comme on l’a vu le 26 octobre dernier pour Jina Mahsa Amini à Saqqez, lorsqu’une foule étendue sur 4 km s’est rendue à pied vers le cimetière malgré le blocage des routes par les forces de l’ordre. Lors de la révolution de 1979, c’est ce cycle de nouvelles manifestations tous les « quarantièmes » qui a maintenu le feu des révoltes, du « septembre noir » 1978 au 11 février 1979. Selon une expression en cours aujourd’hui aussi, « chaque jour est un quarantième jour »….

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Auteur: lundimatin