“Saigner ” la Russie ? — Philippe ARNAUD

Dans le Monde Diplomatique, Serge Halimi écrit que l’objectif proclamé des États-Unis était « d’affaiblir la Russie « , de la saigner en vérité ».

Remarque 1. Ces verbes n’expriment pas seulement l’opinion des seuls États-Unis, mais aussi celle de leurs supplétifs européens : le 1er mars, le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire, disait : « Nous allons livrer une guerre économique et financière totale à la Russie. Nous allons donc provoquer l’effondrement de l’économie russe.  » Même si, quelques jours plus tard, Bruno Le Maire modérait ses propos, le mal était fait : il avait exprimé le fond de sa pensée : réduire à néant la Russie. Ce qui, d’un point de vue politique et psychologique, était calamiteux : cela risque d’accentuer la radicalisation des Russes, et, quelle que soit l’issue de la guerre (que les Russes gagnent ou qu’ils perdent), susciter, de leur part, un durable ressentiment.

Remarque 2. Ces verbes rappellent les mots de Richard Nixon, décidé, le 15 septembre 1970, à renverser le gouvernement chilien de Salvador Allende. Le président des États-Unis aurait alors dit qu’il fallait « faire hurler l’économie du Chili ». Ce qui eut lieu par divers biais : soutien à la grève des camionneurs, grève des mineurs de cuivre d’El Teniente, appui à l’opposition de droite, etc.

Remarque 3. Ce recours à la guerre économique est une méthode éprouvée de déstabilisation étasunienne : c’est ce que les Américains font, depuis 1959 (date du renversement du dictateur Battista par Fidel Castro), à l’encontre de Cuba. En 1960, Lester D. Mallory, sous-secrétaire d’État aux affaires inter-américaines disait que « la seule façon de renverser Castro était de provoquer la faim et le désespoir parmi les Cubains ». Pour lui, dans cet objectif, « le gouvernement américain [devait] utiliser tous les moyens possibles pour miner la vie économique de Cuba ». Et ces moyens n’ont pas manqué : embargo, interdictions de voyager à Cuba pour les Américains, sanctions à l’encontre des société étrangères et des bateaux étrangers qui commerçaient avec Cuba, etc.

Remarque 4. Le Chili et Cuba n’ont pas été les seules victimes de ces mesures : l’Iran l’est depuis la révolution de 1979 (embargo sur le pétrole, gel d’avoirs financiers, interdiction d’investir, blocage des services financiers, etc.). Le Nicaragua le fut aussi dès 1981, après la révolution sandiniste, qui mit fin à la dictature de Somoza (soutenu par les États-Unis). Parallèlement au soutien des…

La suite est à lire sur: www.legrandsoir.info
Auteur: Philippe ARNAUD Le grand soir