Saint-Valentin : la face cachée du diamant de synthèse

En cette Saint-Valentin, vous avez peut-être pour projet d’acheter un diamant… et il se pourrait bien que votre bijoutier vous propose un diamant de synthèse. C’est le symbole de l’amour éternel depuis le judicieux slogan du diamantaire De Beers en 1947, « A diamond is forever ». Et quand on aime, on ne compte pas

Mais il se trouve qu’aujourd’hui le « solitaire » en diamant naturel n’est plus « seul » sur son marché. Depuis sa mise au point en 1954 par le chimiste américain Tracy Hall, le diamant de synthèse constitue en effet un concurrent sérieux. Si séduisant, qu’en 2018, l’entreprise De Beers elle-même a succombé. Après des années de dédain pour ces pierres artificielles qu’elle réservait à l’industrie… elle se mit à en proposer en joaillerie !

Deux frères jumeaux

Chimiquement, comme le diamant naturel, le diamant de synthèse se forme grâce à la cristallisation du carbone, soumis à des conditions de chaleur et de pression extrêmes. Seuls l’origine et le lieu de ce phénomène diffèrent. Le diamant naturel est né il y a 2,5 milliards d’années, dans les entrailles de la Terre. Son rival, obtenu en laboratoire en quelques semaines, est le pur produit de la main de l’homme.



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Sémantiquement, une bataille de terminologie s’est engagée et deux storytellings s’affrontent aujourd’hui. Le diamant naturel impose le respect en s’appuyant sur des valeurs d’infini et de rareté ; le diamant de synthèse offre un récit alternatif, qui convoque une forme d’alchimie verte. Vanter « la magie alliant science et nature », comme peuvent le faire certaines marques, semble judicieux. Porté par des valeurs écologiques et éthiques, ce récit réconforte les acheteurs qui culpabilisent à l’idée d’acheter un diamant naturel.

Un duel aux enjeux actuels

Économiquement, il faut dire que l’enjeu est de taille… En 2020, une étude quantitative a estimé que 42 % des Français déclaraient vouloir acheter un diamant « au moins une fois dans leur vie ». Cette proportion grimpe même à 65 % chez les 25-34 ans.

Lors de ma recherche doctorale portant sur les phénomènes de storytelling, j’ai investigué ce secteur qui semblait ne pas échapper aux accusations de « greenwashing ». Ces nouveaux enjeux sur la consommation responsable constituent un des axes majeurs traités par le Lifestyle Research Center de emlyon qui étudie les nouveaux phénomènes de consommation grâce à des recherches auprès des acteurs de terrain.

Le diamant synthétique esquive les critiques

Lors de mon enquête, j’ai compris que le succès du diamant de synthèse s’est notamment bâti en contrepoint des dérives persistantes du diamant naturel.

Tout d’abord, il ne semble pas réservé à une élite, affichant des prix de 30 à 40 % moins chers. Une responsable marketing d’une des maisons de haute joaillerie les plus réputées me précise :

« C’est normal, cette filière bénéficie d’une réduction du nombre d’intermédiaires, et d’une facilité de production en laboratoire. La concurrence actuelle entre les laboratoires fait même pression sur les prix ».

Ensuite, le diamant de synthèse ne provient pas de mines à ciel ouvert qui génèrent de véritables scandales écologiques. Pour trouver quelques carats de diamants naturels, il faut extraire des millions de tonnes de minerai dans des zones fragiles, ce qui détériore considérablement les écosystèmes naturels. Les sols, les baies et les berges qui ont été fouillés restent perturbés pendant des décennies avant que la faune et la flore ne retrouvent leur équilibre.

Trop jeune pour être coupable

Contrairement à son grand frère, le diamant de synthèse n’est pas entaché par l’échec du processus de Kimberley (forum de négociation international réunissant les représentants des États, de l’industrie et de la société civile) mis en place il y a une vingtaine d’années pour encadrer la traçabilité de la filière diamantaire. Renié en 2011 par l’organisation non gouvernementale (ONG) Global Witness qui en était pourtant à l’origine, le PK est désormais dans le viseur des associations humanitaires comme Amnesty International.

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Auteur: Alice Riou, Professeur Associé – Marketing et Innovation, EM Lyon Business School