Sale tartine

Nguyen Đai Thang. — « Caché au plus profond de l’imagination – n° 9 », 2021.

En un instant donc, l’élection européenne sera passée de « n’a aucune importance » à « constitue un événement historique ». C’est que nous voilà dans une conjoncture sans rapport avec les parodies de 2002, 2017 ou 2022, dont tous les scores ex post ont attesté le ridicule des grandes comédies dramatiques ex ante. Quand 95 % des communes mettent le Rassemblement national (RN) en tête, le caractère cette fois inédit de la situation ne fait pas l’ombre d’un doute. Ici l’exercice de réalisme s’annonce brutal. Spécialement pour l’extrême gauche qui n’aime rien tant que se réfugier dans ses fantasmagories : l’émeute intransitive vouée à une répression sans suite, plus encore l’anti-électoralisme de principe — inconscient de partager finalement le même fétichisme de l’élection que le camp du rien-que-les-élections si c’est sur le mode du double inverse. Dans l’écart entre une ligne doctrinale et ses ossifications dogmatiques, il y a la perte de tout contact avec les situations concrètes – auxquelles une inspiration léniniste avait normalement pour vertu de rendre sensible.

Tâcher d’imaginer

Sauf pour l’imbécillité heureuse qui se figure que l’élection épuise tout ce qu’il y a à dire de la politique en « démocratie », mais tout autant pour la dogmatique anti-électorale, le suffrage devrait plutôt être regardé avec un œil de colin froid, comme un instrument, dont l’utilité se mesure chaque fois en situation, pour apprécier s’il y a plus d’avantages que d’inconvénient à s’en servir. Et puis, sans se raconter des histoires de providence, de salvation et de lendemains apaisés, s’en servir le cas échéant. Il se trouve qu’aujourd’hui le cas échoit.

Évidemment, pour que l’extrême gauche parvienne à s’en convaincre, il lui faut en passer…

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Auteur: Frédéric Lordon