Sans histoire

La lutte des classes, que jamais ne perd de vue un historien instruit à l’école de Marx, est une lutte pour les choses brutes et matérielles, sans lesquelles il n’est rien de raffiné ni de spirituel. Mais, dans la lutte des classes, ce raffiné, ce spirituel se présentent tout autrement que comme butin qui échoit au vainqueur ; ici, c’est comme confiance, comme courage, comme humour, comme ruse, comme inébranlable fermeté, qu’ils vivent et agissent rétrospectivement dans le lointain du temps. Toute victoire qui jamais y a été remportée et fêtée par les puissants — ils n’ont de cesse de la remettre en question. Comme certaines fleurs orientent leur corolle vers le soleil, ainsi le passé, par une secrète sorte d’héliotropisme, tend à se tourner vers le soleil en train de se lever dans le ciel de l’Histoire. Quiconque professe le matérialisme historique ne peut que s’entendre à discerner ce plus imperceptible de tous les changements.

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Qu’est-ce qui constitue la lumière de l’histoire, c’est-à-dire la dialectique des ombres ? Le présent se dédouble en son instant pour à la fois vivre pleinement de sa situation et placer dans un futur triomphant, en d’autres termes dans le présent à venir, une promesse de son désir de plénitude. Toutefois, à bien entendre la physique, la lumière n’est jamais un phénomène à venir, mais une présence passée, la trace d’une émission dont le mouvement photonique dessine une morphologie du présent — il est à noter, avec l’ironie de nos yeux qui entendent si mal, qu’un photon a une durée de vie quasiment infinie, plus vieille que le temps de l’univers. Ainsi, pour l’humain, la lumière est toujours, même aveuglément, un dédoublement qui calque le passé dans la situation du présent  ; le soleil brille dans le présent depuis le passé, mais sa présence signifie que la source passée est déjà plus abîmée que le cristal de son image, et que…

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Auteur: dev