De notre scolarité à la pré-retraite, au travail comme au chômage, on intériorise l’idée qu’un travail est un “projet” chargé d’un sens profond. Mais cette injonction au sens profite plus souvent au système économique qu’à nous-mêmes.
Quand j’ai quitté mon travail il y a six mois, tout le monde m’a demandé ce que je voulais faire après. J’ai esquivé : “Je me fais accompagner sur mon projet professionnel”. J’ai fait un peu semblant d’avoir des idées, mais je n’en savais absolument rien. Le travail m’a lessivée. Je n’ai pas de projet professionnel. J’avais envie de donner un sens à mon travail, de trouver une activité en phase avec mes valeurs, puis ça m’a épuisée. Ma quête de sens s’est heurtée violemment à la réalité, au management, aux impératifs économiques : le travail peut-il seulement avoir du sens ? Et pourquoi est-ce à moi d’y trouver du sens, alors que le système économique n’en a pas à mes yeux ? Pôle emploi me demande tous les mois si je suis toujours à la recherche d’un emploi. Lâchement, je clique sur “oui” pour toucher mes allocs. Mais je ne veux pas vendre de produits ou de services dont personne n’a besoin, je ne veux pas me tuer à la tâche pour trois sous, ni me re-former pendant des mois, voire des années. Je ne me sens pas en phase avec l’injonction à produire, je ne veux pas me lever le matin pour aller enrichir des gens qui me méprisent, alors si en plus il faut que j’y trouve du sens, on est mal partis.
Le sens au travail, un privilège de classe
Dès notre scolarité, on nous présente l’orientation comme un choix existentiel : il faut décider d’une filière, de matières, de licences sur Parcoursup et tout ça avec des débouchés, sinon ça panique tout le monde. C’est le commencement à l’injonction au projet professionnel, qui rassure les grands-parents et les recruteurs.
Le travail peut-il seulement avoir du sens ? Et pourquoi c’est à moi d’y trouver du sens, alors que le système économique n’en a pas à mes yeux ?
On demande aux jeunes diplômés de présenter un projet professionnel solide et cohérent alors qu’ils n’ont pas encore d’expérience longue de travail. On exige des demandeurs d’emploi qu’ils retracent la cohérence de leur parcours, en faisant semblant de ne pas savoir qu’une carrière est nourrie de hasards et d’incohérences. De cette injonction à nous “remplir” d’expériences et à y trouver du sens, s’est développée la panique du “trou dans…
La suite est à lire sur: www.frustrationmagazine.fr
Auteur: Rédaction Frustration Mag