Sentir les foins et la pluie, antidote au monde de la consommation

Mathieu Yon. © Enzo Dubesset / Reporterre
Le néopaysan Mathieu Yon est chroniqueur pour Reporterre. Il vous raconte régulièrement les joies et les déboires de son installation dans la Drôme en tant que maraîcher biologique en circuit court.


Le progrès technique et technologique nous libère peu à peu de la nécessité. Les productions agricoles ou industrielles s’éloignent de nous. Nous ne sommes plus sommés de produire, mais de consommer toujours davantage une myriade d’objets et de services, une myriade de rêves et de possibles. Et si nous ne voulons pas de ces rêves, si nous ne voulons pas de ces possibles, nous devenons un grain de sable dans les rouages de la machine, nous devenons une épine dans le pied du pouvoir. Avons-nous encore le droit d’explorer d’autres voies, de chercher d’autres pistes, sans être traités de « zadistes » ou de « décroissants », comme s’il s’agissait d’une insulte ?

Je suis paysan, je travaille, je me lève tôt, je trime, je crame sous les vagues de chaleur. Mon revenu, je le gagne à la sueur de mon front, et ce n’est pas une image. Pourtant, mon travail ne fabrique quasiment pas de croissance, car mon système de production n’a pas besoin de robotique, de numérique ou de génétique. Un peu mécanique, quelques outils manuels et une agronomie suffisent à rendre le système viable.

Mon travail ne nourrit pas la bête néolibérale, mon travail nourrit les gens. C’est pourquoi il est dangereux, c’est pourquoi il est moqué et méprisé par le pouvoir. Pourtant, j’ai la conviction que mon travail est nécessaire, et qu’il faut tenir. Car nous approchons à grands pas d’une société dans laquelle la consommation sera totalitaire.

Aliénation totale

Nos sociétés démocratiques ont fait de la consommation une activité totale, qui ne supporte plus aucune contradiction, plus aucun écart, plus aucune divergence. La société décrite par Hannah Arendt dans La condition de l’homme moderne (1958), nous y sommes parvenus : « Ce que nous avons devant nous, c’est la perspective d’une société de travailleurs sans travail, c’est-à-dire privés de la seule activité qui leur reste. On ne peut rien imaginer de pire. »

Pourtant, nous n’arrivons pas à voir notre propre aliénation : qui n’est plus une aliénation à la nécessité, aux tâches laborieuses et quotidiennes du travail domestique ou du travail des champs, mais une aliénation totale à la consommation. La consommation est devenue notre dernier effort, notre dernier désir. Là…

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Auteur: Reporterre