« Si les entreprises tournent, c'est parce que les travailleurs y sont investis, pourtant ils sont tenus à l'écart »

Basta ! : Dans votre ouvrage Le Manifeste Travail. Démocratiser, démarchandiser, dépolluer, vous écrivez qu’il est devenu « injustifiable » de ne pas émanciper les travailleurs en leur accordant la citoyenneté dans l’entreprise. Pourquoi ?

Isabelle Ferreras : Les travailleurs sont essentiels, cela a été dit et répété maintes fois depuis le début de la crise du coronavirus. Mais pour l’instant, ce ne sont que des mots. Ce caractère « essentiel » n’est pas reconnu concrètement au sein des entreprises qui poursuivent leur logique extractive vis-à-vis des travailleurs et de la planète. Ne parle-t-on pas de « ressources humaines » ? Cela contrevient au principe d’égale dignité de chacun. Et ce n’est pas sérieux non plus au niveau de l’efficacité. Car si les entreprises tournent, c’est parce que les travailleurs y sont investis. Ils investissent leur personne, leur intelligence, leurs émotions et jusqu’à leur santé morale et physique. En période de pandémie, nous l’avons tous et toutes constaté, certains y ont même investi leur vie. Et pourtant, ils sont tenus à l’écart du gouvernement des organisations qu’ils constituent.

Sans les travailleurs, cela ne sert à rien d’avoir du capital. Les grands patrons comme Jeff Bezos, qui dirige Amazon, l’ont bien compris. Et pour conserver leur pouvoir, ils préfèrent entretenir la fiction qui prétend que l’on pourra un jour se passer des travailleurs grâce à la technologie. Ce qui leur permettrait de définitivement ne plus se préoccuper de droit du travail.

Vous réclamez la reconnaissance de l’investissement des travailleurs par la délivrance d’un réel pouvoir de décision. Comment ce pouvoir pourrait-il s’exercer ?

Pour le moment, les questions qui ont trait au « gouvernement du travail » restent entre les mains de ceux qui apportent le capital. C’est précisément ainsi que l’on peut définir le capitalisme : c’est un régime de gouvernement qui réserve le droit de gouverner à ceux qui détiennent le capital. L’alternative, c’est la démocratie, qui reconnaît l’égalité de chacun et chacune en dignité et en…

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Auteur: Nolwenn Weiler