Sideration

Sidération (Anéantissement subit des forces vitales, se traduisant par un arrêt de la respiration et un état de mort apparente.)
Serions-nous dans la réalisation absolue de la forme marchandise prédite au paragraphe 66 de la Société du spectacle ?
« Ainsi par une ruse de la raison marchande, le particulier de la marchandise s’use en combattant tandis que la forme marchandise va vers sa réalisation absolue. »
Absolu, le mot est lâché comme un lion dans l’arène. Absolu, mot dangereux abolissant les limites et les conditions. Abolissant les nuances et les marges.

Eppure ! comme l’avait dit Galilée avant d’être assigné à résidence parce qu’il avait compris l’importance du mouvement. Eppure de cet absolu qui nous enserre d’un écran à l’autre, des images nous parviennent d’un lointain de plus en plus obsédant. On en arrive à douter de sa propre existence. L’obsession la remplace. Hors de l’écran, quelle vie est-elle possible ? La pénurie de réel accompagne celle des matières. La prolifération d’un surnaturel programmé seconde la raréfaction des ressources naturelles.
Nos cerveaux sont censés être vidés par la peur, ratatinés par la propagande, sidérés et pétrifiés. Il faudrait avoir peur de penser, peur de voir, peur de dire. Il nous est imposé de nous émotionner là où on nous dit de nous émotionner et de nous mettre en état permanent de pathos, là où le pathos est utile. Nous sommes censés faire la claque. Et au passage s’en prendre quelques-unes.

Cela fait combien de décennies que l’on nous formate et déformate pour que nos larmes coulent dans le récipient prévu à cet effet ? Avec nos larmes ils cuisinent nos moelles substantifiques les grands cuisiniers de la propagande. Rien ne les arrête, rien n’arrête leurs grands hachoirs. Et vlan un peuple entier en fines lamelles et un autre sous les décombres. Mais réservons nos larmes pour la suite. Nous n’avons encore rien vu, rien entendu, rien compris. Nous sommes comme la jeune fille trompée, abandonnée, assassinée, d’un opéra de Verdi, « non ti basta ancora ? » ça ne te suffit encore pas ? dit le père sacrifié. Non cela ne lui suffit pas, jamais, parce que le spectacle doit et va continuer.

Et que dit le père Ubu dans la pièce d’Alfred Jarry ?
« Certes oui je suis content, on le serait à moins ! capitaine de dragons, officier de confiance du roi Venceslas, décoré de l’ordre de l’aigle rouge de Pologne et ancien roi d’Aragon que voulez-vous de mieux ? »
C’est vrai quoi ? comme on dit dans les sitcoms qui mènent notre monde,…

La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: lundimatin