« S'il y a un interdit, ce n'est pas de violer les enfants de la famille, mais plutôt de parler des incesteurs »

Basta ! : Dans votre ouvrage, Le berceau des dominations, vous rappelez que le nombre de personnes ayant l’expérience de l’inceste « est à la limite de l’épouvante » et estimez que c’est un phénomène « banal », qui structure nos sociétés. Pourquoi ?

Dorothée Dussy : Ce que disent les chiffres, avec une stabilité consternante depuis que l’on a commencé à enquêter sur le sujet dans les pays occidentaux (au début des années 1950), c’est que 5 à 10 % des enfants sont incestés. Si l’on prend au sérieux cette prévalence, qui est stable et transversale à tous les milieux sociaux, on est obligé de se dire que c’est structurel. On ne peut pas faire comme s’il s’agissait de faits divers conjoncturels sans liens les uns avec les autres.

Et ces chiffres ne bougent pas, en dépit des divers bouleversements qui agitent nos sociétés. Un événement tel que Mai 68, qui a entraîné des changements de mentalité majeurs, n’a eu aucun impact sur la prévalence de l’inceste. La société fonctionne, malgré tous ces enfants massacrés. Elle ne semble pas gênée par le fait que beaucoup d’hommes aient des rapports sexuels avec qui bon leur semble, y compris des enfants. Pour le moment, ce qui fait dysfonctionner la société, c’est quand la violence est dévoilée.

Quelle est la particularité de l’inceste par rapport aux autres violences sexuelles ?

L’inceste représente un paroxysme de domination, puisque la relation entre un adulte et un enfant est totalement asymétrique, dans l’inceste plus encore que dans les autres formes de viols. Ce qui distingue aussi l’inceste, c’est qu’il y a de l’attachement entre le bourreau et sa victime ; et que les violences sont reconduites à maintes reprises. Un père qui viole sa fille, ou un grand cousin sa petite cousine, ne le font pas qu’une seule fois. Souvent, il y a une érotisation de la situation, c’est-à-dire qu’il n’est pas rare que…

Auteur: Nolwenn Weiler
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