Sobriété énergétique, écoresponsabilité numérique… de quoi parle-t-on exactement ?

Le 14 novembre 2022, le gouvernement, en la personne du ministre Jean-Noël Barrot, a inauguré un Haut Comité pour un numérique écoresponsable.

Ce dispositif vient en compléter globalement trois autres : la feuille de route « Numérique et environnement », la loi du 15 novembre visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique (dite REEN), et la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (dite AGEC).

L’ensemble s’inscrit à son tour dans un cadre européen structuré principalement autour des directives suivantes : RoHS (substances toxiques), Ecodesign (écoconception) et DEEE (déchets électroniques).

Un peu plus d’un mois avant, le 6 octobre, Élisabeth Borne mettait en place un plan de sobriété énergétique. Les principales mesures sont de court terme et visent la température dans les bâtiments, particuliers (ou non) ; l’utilisation de transports en commun (ou non) motorisés ; ainsi que l’éclairage.

Au-delà des pénuries de gaz

Ces dispositifs sont conçus pour devenir le volet « numérique » de la transition écologique, et pas seulement pour répondre de manière conjoncturelle aux enjeux dérivant de la guerre en Ukraine et ses implications sur l’approvisionnement en gaz cet hiver.

Pour le gouvernement, cette transition s’incarne dans les deux missions : la prévention des risques d’un côté, l’énergie et le climat de l’autre.

La première mission vise principalement la gestion des installations classées à la protection de l’environnement (ICPE), à savoir les usines présentant un risque de pollution important en cas d’accident. La seconde est cadrée par la stratégie nationale bas carbone (SNBC) qui ambitionne d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Pour atteindre ces objectifs, divers moyens sont mis en avant : la décarbonation totale de la production d’énergie ; la réduction de la consommation totale d’énergie d’environ 40 % ; la diminution des émissions non liées à l’énergie (donc principalement celles issues de l’agriculture) et l’augmentation des « puits de carbone ». Cet ensemble s’inscrit dans les directives européennes rassemblées dans le « Pacte vert ».

Écoconception, déconsommation d’énergie et responsabilité

De quoi est-il question sur le fond ?

Suivant l’argumentaire proposé par le gouvernement français, le constat est fait que la fabrication représente 70 % de l’empreinte carbone du numérique, le reste étant absorbé par « les usages » du matériel, à savoir les « services numériques ».

La loi REEN répond donc en favorisant l’allongement de la durée de vie des terminaux, les usages écologiquement vertueux et notamment l’écoconception des services numériques ; en réduisant la consommation d’énergie des centres et de données et exigeant des collectivités territoriales de mettre en place une « stratégie numérique responsable ».

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Le Haut Comité a commencé ses travaux en formant cinq groupes de travail, portant sur les terminaux, les centres de données, la sobriété et les usages, la contribution du numérique à la décarbonation des autres secteurs et les réseaux. Le tout entend compléter la SNBC sur le volet « numérique ».

La sobriété, vertu cardinale

Faut-il pour autant parler de « sobriété » ? Rien n’est moins sûr. Rappelons que ce concept dérive de ce qu’Aristote appelle la sophrosunè, traduit en latin par sobrietas et en français par « prudence », « tempérance » ou « juste mesure ».

Dans l’Éthique à Nicomaque, Aristote donne quelques exemples tirés de son époque : excès ou défaut de sport (le soldat qui meurt en revenant de Marathon car il a trop couru), de nourriture et autres. La modération règle le comportement ; en son absence ne règne que le dérèglement.

En ce sens elle est la vertu des vertus. Dans Les Politiques (Livre IV, chapitre XIII), le philosophe grec met en rapport les vertus avec les régimes politiques ; et la vertu du gouvernant, c’est la prudence ou tempérance. Le philosophe Thomas Princen réactualise cette analyse en étendant le concept de…

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Auteur: Fabrice Flipo, Professeur en philosophie sociale et politique, épistémologie et histoire des sciences et techniques, Institut Mines-Télécom Business School