Emmanuel Macron à la préfecture de police de Paris, le 8 octobre

Société de vigilance

Une bien funeste inspiration

Faire des citoyens des alliés de l’Etat et de l’ordre public soulève le risque d’une société de soupçon et de délation. Aux antipodes des principes de solidarité et de fraternité.

Emmanuel Macron a récemment souligné «l’irresponsabilité» de certains «commentateurs politiques» au sujet des mères voilées accompagnatrices de leurs enfants, parmi eux notre ministre de l’Education, qui a semblé trouver notre loi nationale «regrettable», qui justement le permet.

Quelques jours plus tôt, c’est pourtant notre Président qui réclamait une «société de vigilance», alimentant un climat particulièrement délétère à l’encontre des musulmans. Etrange politique qui à la fois allume les incendies et ensuite essaie de les éteindre.

Une évidence indiscutable : s’il existe une exigence de vigilance, elle pèse sur l’Etat et l’Etat d’abord, et l’Etat seulement. C’est au nom de cette exigence de vigilance que les services secrets français se sont dotés de pouvoirs exceptionnels avec la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Ils en demandent d’ailleurs toujours plus, sans que notre démocratie soit dotée de moyens de contrôle proportionnels à l’existence de ses nouveaux pouvoirs invisibles.

Faire des citoyens des alliés de l’Etat dans le repérage des «signaux faibles», nouvel alpha et oméga de la DGSI, leur demander, comme l’a fait Emmanuel Macron, de «repérer à l’école, au travail, dans les lieux de culte, près de chez soi, ces petits gestes qui signalent un éloignement» potentialise, c’est mécanique, le risque d’une société de soupçon et de délation.

Approximations

L’équilibre est ténu entre l’exigence d’identifier et de repérer des signes de radicalisation, et notamment au sein de la police, et au nom du principe de précaution, d’écarter, d’évincer, de dénoncer, sans le commencement d’un fondement.

Dans une démocratie, ceux qui sont en responsabilité ont la mission précisément de tracer des lignes de démarcation, de s’imposer le respect de principes et de règles qui mettent à l’abri de dérives.

Or, difficile d’imaginer une démarcation claire alors que personne ne s’accorde sur la définition de la radicalité, et ce qui en constituera des indices pour les uns n’en sera pas nécessairement pour les autres. Toutes ces approximations se sont notamment vérifiées à l’occasion du prononcé de l’état d’urgence après les attentats de novembre 2015.

Presque quatre ans plus tard, aucune voix crédible ne saurait en documenter et en démontrer l’utilité, alors que cet «état d’urgence» est censé avoir permis d’assigner à résidence et de perquisitionner des personnes «radicalisées».

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