Sociologie de l'écriture inclusiviste

Ilia Répine. — « Les Cosaques zaporogues écrivant une lettre au sultan de Turquie », seconde version, entre 1889 et 1896.

Ce texte est la version longue d’un article demandé (mais non publié) par la revue Travail, Genre et Société pour participer à une « controverse » sur l’écriture inclusive en partie suscitée par un précédent billet où je m’inquiétais du renforcement de l’exclusion sociale par l’écriture inclusive.

Constat d’incompétence genrée ? Étant du genre masculin, je mesure probablement mal la sensibilité de nombreuses femmes à ces formules toutes faites où, en parlant des hommes, on parle des femmes aussi, où, quand on s’adresse à tous, il faut comprendre tous et toutes, etc. Cela n’empêche pas de s’intéresser à la condition féminine comme à la condition des riches sous le prétexte qu’on n’en est pas. Depuis la position scientifique d’autonomie, il m’apparaît d’abord que le genre neutre cache mal une domination langagière. Héritée de siècles ou de millénaires d’inégalités, la langue française n’est pas la seule. Si certaines femmes, voire la plupart, s’en moquent, il suffit d’un petit effort de réflexivité pour deviner que cela peut fortement en agacer d’autres, notamment dans le monde universitaire qui est assurément le foyer de revendications identitaires. À cet égard, l’écriture inclusive se présente comme un terrain concret des luttes pour abolir les inégalités. Si la domination masculine ne se justifie ni dans le travail, ni à l’école, ni nulle part, encore faut-il se demander comment rééquilibrer. S’y atteler dans la langue, en quelque sorte à la racine, semble évident si on considère que l’inégalité est perpétuée et donc produite par une langue genrée. Encore faut-il observer que cette revendication intervient non point au début mais au cours d’un mouvement de féminisation rapide de l’université. Depuis plusieurs décennies, le genre n’a pas pénalisé les femmes dans les concours de recrutement du supérieur. Il faut faire droit aux faits qui peuvent résonner comme des objections. Si cela n’interdit pas a priori tout changement, encore faut-il savoir qu’une langue héritée de siècles d’histoire s’avère difficile à changer. Sachant que nous entendons par « écriture inclusive » l’introduction du point médian et non l’adjonction du terme féminin au terme masculin. « Mesdames, Messieurs » en tête d’un message ou d’un discours ne relève pas de…

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Auteur: Alain Garrigou