La Croix : Les chrétiens sont-ils, selon vous, appelés à la perfection ?
Isabelle Le Bourgeois : Absolument pas. Je pense que le désir de perfection a quelque chose à voir avec la toute-puissance. Le risque est de suivre sa volonté propre et de définir soi-même les critères de sainteté. Cette attitude laisse peu de marge à l’œuvre de Dieu. C’est pourquoi, la perfection est, à mes yeux, l’un des plus grands pièges qui nous soient tendus, un miroir aux alouettes. Dans mon cabinet, j’ai reçu un certain nombre de personnes qui ont été totalement illusionnées avec cela. À cause de la parole de Jésus, « Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48), on leur a fait croire que viser la perfection était le chemin par lequel elles devaient passer. Des prédateurs leur ont proposé leur aide sous prétexte d’être plus avancés en vertu. Ils les ont culpabilisées : « Tu ne pries pas assez, tu ne rends pas assez de services, tu dors trop, tu pourrais donner des heures supplémentaires parce que l’amour c’est gratuit… » Ils les ont détruites au nom d’une chimère. C’est très grave.
Jésus ne nous présente-t-il pas une perfection de l’amour qui va jusqu’à aimer ses ennemis ?
I. L. B. : Aimer ses ennemis, c’est accepter de ne pas comprendre ce mystère du mal qui est terrifiant. Je n’ai rien d’autre à faire que de prier et d’essayer de ne pas en rajouter par mes actions. À mes yeux, ce n’est pas de la perfection mais du réalisme.
Pourquoi l’Église a-t-elle présenté la perfection comme une vertu ? Il me semble que nous avons du mal avec l’impur. La perfection est une sorte de filet de sécurité que nous avons fabriqué afin de nous en débarrasser. Est pur ce qui n’est pas mélangé. Or, par définition, nous sommes mélangés et c’est cette humanité qui est assumée par celui que j’appelle depuis des années : « mon Dieu des abîmes ». Ce…
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Auteur: Recueilli par Florence Chatel