Le bref séjour de Vincent van Gogh en Provence fut un moment de grâce. On lui doit ses tableaux aujourd’hui les plus admirés – par exemple, la Nuit étoilée, qui représente ce qu’il pouvait voir et imaginer depuis la chambre qu’il occupait dans l’asile du monastère Saint-Paul-de-Mausole à Saint-Rémy-de-Provence en mai 1889. Ce fut aussi un drame absolu. Arrivé en février 1888, Van Gogh est rejoint en octobre par le postimpressionniste Paul Gauguin.
La relation tourne au vinaigre. On connaît la suite : l’oreille coupée à la veille de Noël, l’internement à Arles, puis à Saint-Rémy de Provence. En mai 1890, sans avoir jamais cessé de peindre, Van Gogh rejoint Auvers-sur-Oise, où il se suicide le 27 juillet. La présente exposition au musée d’Orsay porte sur cette dernière période de son œuvre.
Une dizaine d’années après sa disparition, la carrière commerciale de Van Gogh commence et, avec elle, sa réputation de peintre maudit. A Arles et Saint-Rémy, on se souvenait du « fada ». Mais, alors que la gloire mondiale du peintre s’affirmait, émergeait en ces lieux un sentiment diffus de culpabilité. L’étroitesse d’esprit provinciale aurait-elle contribué à la mort prématurée du génie ? Les récits mythifiés commencent à circuler, comme l’histoire du tableau qui aurait servi de porte à un poulailler.
Mais, dans l’entre-deux-guerres, l’élite arlésienne se préoccupait peu de Van Gogh : on entretenait la culture provençale héritière de la romanité, au Museon arlaten, fondé en 1896 par Frederic Mistral (1830-1914), lauréat du prix Nobel de littérature en 1904 (ce musée a été récemment somptueusement et intelligemment restauré). On célébrait Charles Maurras (1868-1952), le fondateur de l’Action française, né à proximité, à Martigues, grand admirateur de Mistral. On admirait l’élégance des Arlésiennes de Léo Lelée (1872-1947), le peintre angevin qui s’était…
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Auteur: François Vatin, Enseignant-Chercheur en sociologie, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières