Sommes nous vivants ?

En partant du petit livre d’Ailton Krenak, Idées pour retarder la fin du monde (à propos duquel nous avions publié l’année passée un article de Jean-Chritophe Goddard), Emmanuel Moreira remet en perspective la place de l’art, des rêves, de la littérature, de la dance pour tenter de pallier à la crise du sens qui fait régner l’équivalence et la mort dans l’Occident contemporain. Il propose alors de se servir de l’art et de son histoire comme de boussoles cosmologiques et existentielles plutôt que comme des produits morts alignés par les musées sur les étals bourgeois du marché culturel.

« — Dans ta musique se trouve le chemin. Écoute. C’est un rêve laisse le te guider.
— Je suis un homme de science, de faits démontrables. Je ne peux pas me laisser guider par des rêves que je n’ai pas.
— Si, tu en as et tu les suis. Écoute la chanson de tes ancêtres. La réponse est là. Mais écoute vraiment, pas seulement avec tes oreilles. »
Ciro Guerra, L’étreinte du serpent

« Quand le père du père de mon père avait une tache difficile à accomplir, il se rendait à un certain endroit dans la forêt, allumait un feu et il se plongeait dans une prière silencieuse. Et ce qu’il avait à accomplir se réalisait. Quand, plus tard, le père de mon père se trouva confronté à la même tache, il se rendit à ce même endroit dans la forêt et dit : « nous ne savons plus allumer le feu mais nous savons encore dire la prière ». Et ce qu’il avait à accomplir se réalisa. Plus tard, mon père (…) lui aussi alla dans la forêt et dit : « nous ne savons plus allumer le feu, nous ne connaissons plus les mystères de la prière mais nous connaissons encore l’endroit précis dans la forêt ou cela se passait et cela doit suffire ». Et cela fut suffisant (…) Mais quand, à mon tour, j’eus à faire face à la même tâche, je suis resté à la maison et j’ai dit « nous ne savons plus allumer le feu, nous ne savons plus dire les prières, nous ne connaissons même plus l’endroit dans la forêt mais nous savons encore raconter l’histoire ». »
Jean-Luc Godard, Hélas pour moi

« Et quand à mon tour, j’eus à faire à la même tâche, je suis resté à la maison et j’ai dit ’nous ne savons plus allumer le feu, nous ne savons plus dire les prières, nous ne connaissons plus l’endroit dans la forêt et nous ne savons même plus plus quelle histoire raconter. »

Il arrive parfois qu’un livre pose une question à celui qui le lit. C’est le cas de ce livre d’Ailton Krenak, « Idées…

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Auteur: lundimatin