Sous son nom

Paola De Luca est morte dimanche 18 octobre. Paola était une de ces rebelles italiens non repentis qui s’étaient réfugiées en France a la fin de la décennie 70. C’était une femme magnifique dans tous les sens du terme, qui savait vivre et penser. Traductrice, auteure, danseuse de tango, elle avait fait évader son homme et connu l’exil en Afrique avant de venir en France s’abriter sous cette doctrine Mitterrand bafouée par la suite aux dépens de Paolo Persichetti et Cesare Battisti. Elle était de tous les combats pour libérer les années 70 des mystifications de l’Italie officielle, et restituer sous la chape des « années de plomb » l’or de la révolte. Dans mon anthologie Bel Paese parue chez Métailié en 2013, j’avais inséré cette nouvelle d’elle qui évoque les incertitudes identitaires de l’exil. Nous la republions ici, avec l’aimable autorisation des Editions Métailié. SQ

Sous son nom

Paola De Luca

Ecoutez-moi.
J’ai porté son nom pendant vingt ans. Au début, en Afrique, je frissonnais à chaque fois qu’on m’appelait.
« Marcella ! ». Je détestais le son de ce nom.
Giulio m’avait demandé si j’aurais pu m’accommoder d’un autre.
Je m’en souviens, nous étions attablés pour le petit déjeuner, du mauvais café dans les tasses et le soleil déjà accablant, le papayer face à la maison exhibait ses mamelles vertes et obscènes et tout me semblait hostile, pas une couleur, pas un bruit ou une odeur ne m’étaient familiers. J’étais en surimpression sur le paysage.
Un autre nom ?

J’y ai réfléchi pendant quelque temps et je n’ai jamais trouvé une réponse.
Le fait est que je n’avais pas le choix.
Au moment de la fuite, un camarade m’avait déniché le passeport « c’est une sympathisante du mouvement, elle veut bien, elle n’ira pas déclarer le vol avant six mois, tu seras pas embêtée aux frontières ».
Tu parles. Un douanier au Niger avait longuement étudié la…

Auteur: lundimatin
La suite est à lire sur: lundi.am