Spirale de l'endettement, encadrement méprisant : un éleveur raconte « sa » coopérative de l'intérieur

Christophe a ce que l’on appelle une grosse ferme laitière. 240 bovins, dont 100 vaches laitières, deux robots de traite, et une production annuelle de 650 000 litres de lait. Installé depuis 30 ans dans la ferme où il a passé son enfance, il n’a cessé d’agrandir son troupeau et d’investir. À tort, pense-t-il aujourd’hui. Ses parent « faisaient 600 à 700 litres de lait par jour », soit deux à trois fois moins. « Ils vivaient – modestement – mais ils vivaient. Là, je n’y arrive pas, parce que j’ai contracté trop d’emprunts et que le lait est tellement mal payé. Cela fait 30 ans que les coopératives me paient 30 centimes par litre de lait, en me promettant que l’année prochaine, ça ira mieux. 30 centimes, c’est rien du tout, c’est même pas le prix d’une sucette. »

Posée à quelques kilomètres de Guingamp, au nord de la Bretagne, la ferme de Christophe s’étend sur une petite centaines d’hectares, dans une campagne vallonnée et encore boisée. Ce matin, comme chaque jour, il prend la direction du bâtiment d’où s’échappent les meuglements des veaux qui attendent leur pitance. Il distribue des seaux de lait, donne le biberon aux plus timides, et repasse peu après leur distribuer des granulés de céréales. L’un des petits est trop peu vaillant pour qu’il le garde mais Christophe le nourrit quand même. Il le donnera ensuite à qui veut, en mettant une annonce sur le bon coin. « Certains les euthanasient, ces bêtes-là. Moi, je ne peux pas », glisse doucement l’agriculteur en enjambant la barrière derrière laquelle se pressent les veaux.

Né sur la ferme, dernier de sept enfants, Christophe s’est toujours imaginé paysan. Il n’avait pas 12 ans quand il a commencé à traire seul ; 18 quand il est devenu aide familial auprès de ses parents après avoir suivi une scolarité en alternance en maison familiale rurale ; et 23 quand il s’est installé. Nous sommes en 1994. Pour avoir un outil de travail plus fonctionnel, il fait construire un bâtiment neuf, et s’équipe d’une nouvelle salle de traite. Au bout de quelques années, fatigué par les astreintes de la traite, il s’équipe d’un robot. « 150 000 euros, 10 ans d’emprunt, et 10 000 euros d’entretien chaque année , résume-t-il. C’est sûr, cela fait cher le droit de se lever un peu plus tard le dimanche matin… »

Christophe aurait pu embaucher ; il y a réfléchi, mais s’est dit que cela ne fonctionnerait pas. « Je ne voyais pas comment commander quelqu’un au boulot »,…

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Auteur: Nolwenn Weiler