Stéphane Sirot. Détox. Petit dictionnaire de la novlangue XXIe siècle des relations sociales — Bernard GENSANE

Je l’ai exprimé à maintes reprises : dire le monde c’est le tenir dans sa main. L’économiste Stéphane Sirot se dit agacé par la réduction progressive des droits sociaux et « l’usage d’un vocabulaire qui tend à laisser penser que les lois votées et les accords conclus par certaines organisations syndicales et patronales participent d’une amélioration des protections individuelles et collectives ». Il est donc très regrettable que la majorité des syndicats – pour l’instant seule la CGT tient à peu près bon – aient intégré dans leur discours des concepts forgés par des gens qui les combattent et les neutralisent par la parole.

Selon l’auteur, un virage important a été pris en la matière au milieu des années 1980 quand du vocabulaire, du discours patronal, ont réussi à assimiler (rendre semblables) les acteurs sociaux afin que la notion de conflits soit remplacée par celle d’intérêts partagés. Le mot « syndicat », un des plus beaux mots de la langue française, a été remplacé par l’expression « partenaires sociaux », le mot « négociation » par « concertation » ou « consultation », le mot « licenciement » par « plan de sauvegarde de l’emploi ». Dans le même temps, et en conséquence, le mot « néolibéralisme » s’est imposé, en France et dans le monde entier, comme une évidence incontournable, comme l’alpha et l’oméga de tous les rapports sociaux, économiques et politiques. Avec de nouveaux crédos non discutables : « La compétition généralisée est saine », « Le marché s’auto-régule », « Il faut limiter les dépenses publiques et baisser les impôts », « L’État est un mauvais gestionnaire » qu’il faut non pas « diluer dans le marché » mais « instrumentaliser » pour parvenir à « l’autonomisation du système économique ».

Stéphane Sirot étudie donc par le menu les nouveaux mots et expressions de la classe dominante. J’en retiendrai une poignée.

– L’accord-cadre qui favorise le contrat aux détriments de la loi et qui incite le patronat et les syndicats à négocier en dehors de l’intervention des pouvoirs publics.

– La compétitivité en matière de relations sociales, ce « marché de dupes dont le prolongement est la suppression d’emplois », accepté par la majorité des syndicats au nom de la sortie – « sans tabou » – de la lutte des classes. Cela se passe dans un contexte où l’entreprise est conçue plus comme une communauté humaine « composée d’intérêts partagés que comme…

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Auteur: Bernard GENSANE Le grand soir