Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique : distance avec la Chine, mais l’obsession pour le « miracle asiatique » demeure

La nouvelle Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique, annoncée en grande pompe par la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly, marque un retour du bon sens après 25 années d’illusions canadiennes.

Malgré de sérieuses lacunes qui montrent que les dirigeants canadiens ont encore besoin de réfléchir, cette stratégie fait tout de même table rase de l’objectif d’engagement avec la Chine. Malgré leurs allégeances opposées, les gouvernements de Jean Chrétien et de Stephen Harper rêvaient d’imbriquer la Chine dans « l’ordre international fondé sur des règles », si cher aux dirigeants canadiens.

Les choses ne se sont pas passées ainsi.

L’ascension de la Chine a été « rendue possible par les mêmes règles et normes internationales que ce pays méprise de plus en plus », lit-on dans la politique.

Cette affirmation, quoique juste, omet le rôle du Canada, qui a activement soutenu et encouragé la Chine dans son entreprise de modification des normes internationales dans l’espoir de rafler sa part du gâteau.

Mieux connaître la région

Cette évolution tardive vers une vision moins étriquée de la Chine est la bienvenue.

Il faut se réjouir que le Canada souhaite réinvestir dans la connaissance de la Chine et de la région. Depuis un certain temps, il ne finançait plus les études asiatiques au Canada ni les études canadiennes en Asie, alors qu’elles sont pourtant un moyen précieux de diplomatie culturelle.

Malheureusement, la nouvelle stratégie retombe trop aisément dans les vieilles platitudes. Dès l’introduction, par exemple, les stratèges se révèlent toujours aussi obnubilés par le vaste potentiel commercial du marché asiatique.

Un homme portant des lunettes discute avec un homme asiatique dans un décor orné, avec une grande peinture murale derrière eux

Stephen Harper et le président de l’Assemblée nationale populaire, Zhang Dejiang, à Pékin en novembre 2014.
La Presse canadienne/Adrian Wyld

Les yeux fermés sur une pauvreté bien enracinée

On ne constate aucune évolution depuis les années 1990 lorsque les décideurs politiques rêvaient à voix haute du potentiel phénoménal de ce marché florissant — sans tenir compte des récessions à répétition ni d’une pauvreté endémique qui sabotait la pérennité du « miracle asiatique ».

Les auteurs de la stratégie font encore valoir ce potentiel grandiose. Un tiers de toute l’activité économique mondiale ! La moitié du PIB mondial ! Cinq économies qui, ensemble, surclassent l’Union européenne !

Bref, le vieux disque des années 1990 recyclé presque sans changement pour un nouveau siècle.

Une image montre des faits et des chiffres sur la région indopacifique

Illustration tirée de la toute nouvelle Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique.
Gouvernement du Canada

Les termes sont à peu près identiques à ceux du premier ministre Pierre Elliott Trudeau, en visite au Japon dans les années 1970, pour qui l’Asie n’était plus l’Extrême-Orient, mais l’ « Ouest nouveau ».

Aucun danger de voir la police montée débarquer pour faire régner la loi et un nouvel ordre colonial : le Canada voulait juste sa part du gâteau commercial.

Et pourtant, cette rhétorique n’a pas été un grand succès de diversification : le commerce avec le Japon est presque au même pourcentage, et les États-Unis ont capturé la part du lion du commerce canadien.

Et les droits de la personne ?

La nouvelle stratégie ne mentionne pratiquement pas les droits de la personne, une question importante dans toute la région depuis des décennies. Malgré ce qu’en dit Mélanie Joly, ils ne figurent pas parmi les cinq piliers de sa stratégie : paix et sécurité, commerce, liens entre les peuples, environnement et engagement actif du Canada.

Les précédentes prises de position leur avaient tout de même fait un clin d’œil, mais les droits de la personne sont désormais relégués à une sous-section. La stratégie ne mentionne même pas les détenus canadiens en Chine, comme Huseyin Celil, injustement emprisonné depuis près de 20 ans.

Le Canada avait autrefois la réputation de soutenir financièrement les organisations non gouvernementales en Asie sous la rubrique « renforcement de la société civile ».

La nouvelle stratégie, lit-on, « accroîtra le financement canadien et les activités de défense des droits de la personne dans la région indopacifique, notamment pour les…

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Auteur: David Webster, Associate professor, Human Rights Studies, King’s University College, Western University