Stromae sur TF1 : « Polémique du spectacle » ou « spectacle de la polémique » ?

Tonnerre dans les médias ! Le 9 janvier 2022, interviewé sur TF1 par Anne-Claire Coudray, le chanteur Stromae a transformé la fin de l’entretien en spectacle, en interprétant un extrait de « L’Enfer » – titre où il évoque sa dépression et ses pensées suicidaires – en guise de réponse à la dernière question de la journaliste. Amplement commenté sur les réseaux sociaux, décrit par certains médias comme « moment de télé », « coup de génie », « magistral », ou « presque un moment de cinéma », l’événement a permis une nouvelle séquence de remplissage à peu de frais, propulsant les journalistes dans les « coulisses » de TF1 pour que son directeur de l’information puisse « réagir à la polémique » (Pure Medias, 13/01) ou afin de dévoiler « les secrets de la préparation et du tournage de ce moment de télé » (20 Minutes, 10/01)…

Dans ce tohu-bohu digne de la couverture des plus grands « débats » télévisés, il s’est trouvé quelques journalistes pour s’indigner, subitement soucieux de préserver « une vielle chose tenace » : la déontologie.

« Mise en lumière de la santé mentale ou atteinte à la déontologie journalistique ? », s’interroge Le Monde (11/01). Le quotidien vespéral relève un « mélange des genres entre journalisme et promotion musicale qui interroge depuis beaucoup de nos confrères », voire une « “surprise” – qui n’avait donc rien de spontané ». Ah bon ? Pour le chroniqueur Gilles Verdez, « ce chanteur (…) a pris en otage un des plus grands JT regardé par des millions de gens (…) ! Ça n’avait rien de sincère. Ça paraissait fake. (…) C’est une honte ! » ( « Touche pas à mon poste », C8, 11/01)

On monte d’un cran chez Libération (10/01) : pour Olivier Lamm, ce n’est ni plus ni moins une « ligne rouge » qui a été franchie par la rédaction de TF1, celle qui consiste « à accepter le détournement de son sommaire au profit d’une opération marketing instrumentalisant ouvertement l’émission, altérant par là jusqu’à l’essence éditoriale de son programme et le sens profond de ses images. » Avouant tout de même son « admiration » pour ce « dispositif (…) simple comme bonjour », il fustige néanmoins « cette grosse flaque de storytelling autour de ses malheurs [parlant de Stromae, ndlr] et le vaste dispositif visant à l’exploiter ».

Le même jour dans L’Obs, Sophie Delassein et Arnaud Gonzague clament eux aussi avoir été des plus « stupéfaits » et…

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Auteur: Nils Solari Acrimed