Sur la nécessité de déserter – 2

L’un des grands plaisirs que nous offre ce récit d’un ancien et malicieux ludion des batailles sociales en Italie, c’est de démentir le récit officiel des années dites « de plomb », tel qu’il est repris à satiété par les médias et les politiques depuis des décennies, c’est bien celui-là. Créé par le Parti communiste italien et la Démocratie chrétienne, et devenu avec le temps une doxa intouchable, repris à satiété par les médias, il raconte la révolte pathologique de quelques cinglés dans une Italie démocratique en pleine modernisation. De cette image, il n’est pas de meilleur démenti, peut-être, que celle que nous offre Gibo d’un cortège de tête de jeunes prolétaires des Circoli giovanili des quartiers, ouvrant une marche de milliers d’autonomes ouvriers et étudiants, manches de pioches ou clé anglaise en main mais dont les chants et les slogans étaient bien loin des schèmes marxiste-léninistes ou syndicalistes-démocratiques dans lesquels on prétendait les enfermer :

« 12 décembre 1972. Nous sommes en tête à chanter « Hare Krishna Hare Krishna Krishna Krishna Hare Hare, Hare Rama Hare Rama Rama Rama Hare Hare » et à charger au cri de bataille des Zengakuren japonais, adapté pour l’occasion « Schiaccetrà (celèbre vin liquoreux des Cinq Terres) Banzai Banzai Banzai » »

L’insurrection de cette jeunesse, entre autonomie ouvrière et influence de la contre-culture étasunienne mêlée de fascination pour les civilisations asiatiques, à travers musiques et cinéma, avait pour moteur non pas principalement une idéologie, mais deux émotions essentielles qui resurgissent à chaque explosion de révolte contre l’ordre mortifère du monde : la colère et la joie. Nous en connûmes quelques éclats ces dernières décennies, notamment durant les manifs contre la loi travail, pendant le mouvement des Gilets Jaunes ou le dernier mouvement contre la réforme des retraites. Mais en ces années…

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Auteur: dev