Sur les influenceurs sinophobes parfois rémunérés — Annie LACROIX-RIZ

On lira aussi avec profit la biographie d’un des deux auteurs du présumé chef-d’œuvre, Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, passé par l’université Yale, une des étapes obligées de « la classe dirigeante atlantique » chauffée aux États-Unis depuis 1945, voire avant (Van der Pijl Kees, The Making of an Atlantic Ruling Class, Londres, Verso, 2012, 1e éd., 1984) « actuellement directeur de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) [français, rappelons-le] et membre du Academic Advisory Board du Collège de Défense de l’OTAN ». Ce prototype du chercheur (statut qui suppose un minimum d’indépendance intellectuelle ou d’absence de liens avec les puissants et du temps disponible pour la recherche) ouvertement atlantiste, russophobe et sinophobe, se réclame, comme il l’a écrit en 2013 dans la célèbre revue atlantico-européiste Commentaire (vol. 36, no 141,‎ 2013, p. 13-20) fondée en 1978 par Raymond Aron ».

Ce concept est cher à ses prédécesseurs, Raymond Aron, Stanley Hoffmann et Pierre Hassner, lesquels ont joué un rôle majeur dans la « guerre culturelle » conduite en France, via les gigantesques financements de la CIA et du Département d’État depuis l’immédiat après-guerre, notamment via le centre de recherche de l’Institut d’études politiques qui a lancé en France, sous la houlette de Jean-Baptiste Duroselle pour la sphère historique, les « Area studies ». Depuis les travaux de Frances Saunders sur la question (1999), la recherche à ce sujet (déjà alors très riche sur Raymond Aron) s’est beaucoup amplifiée et précisée, dans les travaux surtout anglophones, et c’est un de mes sujets d’étude en cours (rappel sur l’ouvrage indispensable, Saunders Frances Stonor, The cultural Cold War : the CIA and the world of art and letters, New York, The New Press, 2000, réédition, 2013 ; édition anglaise, Who paid the piper ?, London, Granta Books, 1999 ; qui mène la danse, la Guerre froide culturelle, Denoël, 2003, traduction épuisée, 750 € à ce jour,

La thèse de M. Vilmer, Au nom de l’humanité ? Histoire, droit, éthique et politique de l’intervention militaire justifiée par des raisons humanitaire, soutenue en 2009 à l’EHESS, une des institutions, comme l’Institut d’études politiques, les plus anciennement pourvues en riches subventions américaines, est disponible en ligne et en PDF. Ce dithyrambe de l’Occident sous tutelle américaine mérite lecture très attentive. Son appareil scientifique se réduit aux textes et…

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Auteur: Annie LACROIX-RIZ Le grand soir