Sur TikTok, les vidéos d'exilés « glamourisent » les traversées migratoires malgré les dangers

Au-delà des ados qui dansent sur Ed Sheeran, TikTok propose aussi un tout autre contenu. Chaque jour, des vidéos montrent une quinzaine d’hommes originaires d’Afrique du Nord, entassés à bord d’une embarcation de fortune au milieu de la mer Méditerranée.

Sans gilets de sauvetage, ils chantent un mélange de raï et de rap. Le sourire aux lèvres à l’idée de rejoindre l’Europe. En sous-titres, aucune mention des risques liés au parcours, un commentaire compare la traversée à un voyage via Air Algérie. « Depuis 2017, ce type de vidéos semble un phénomène bien établi », assure l’expert Matthew Herbert, auteur de plusieurs rapports sur la migration pour l’ONG Global Initiative.

L’une de ces publications a été postée par Sofiane*, jeune Algérien arrivé en France le 1er août dernier. Il met en ligne un selfie avec ses compagnons de fortune en train de rire dans une embarcation au milieu de la Méditerranée, pour, dit-il, montrer « sa joie d’échapper à la pauvreté ». Même chose pour Mohamed, Tunisien de 22 ans, qui a réalisé la traversée le 8 août 2021 avec ses trois sœurs. Le trajet a duré 15 heures pour rejoindre l’Italie. « Il n’y a pas d’avenir dans mon pays, pas de travail. Les gens qui le dirigent sont des voleurs », déroule celui qui habite maintenant en France.

Plutôt que d’alerter sur les difficultés en Europe, la plupart mettent en scène leur réussite

La vidéo de Mohamed a engrangé 3000 vues, mais certaines sont plus populaires. En février dernier, l’influenceuse tunisienne, Chaïma Ben Mahmoud, soigneusement apprêtée, avait provoqué un tollé en réalisant des selfies alors qu’elle traversait la grande bleue. Au compteur : plus de 1,6 million de vues. La vidéo n’est plus disponible sur TikTok. « Le passage illégal est sorti de sa clandestinité grâce à des vidéos et cela devient un facteur d’attraction pour d’autres », analyse Ali Zoubeidi, chercheur spécialiste des migrations.

Avant que ces contenus ne viennent abreuver le fil TikTok, ils étaient déjà bien en vue chez ses aînés comme YouTube, Facebook ou Instagram. Face à une politique migratoire restrictive, et faute d’informations fiables au sujet des traversées, seuls les réseaux sociaux ont la possibilité d’offrir aux personnes intéressées une fiche de route, même incomplète et périlleuse.

« En Algérie, beaucoup de jeunes regardent ces vidéos », signale Sofiane. Les mots-clés pour y accéder : « harraga » (« brûleur de papiers » en français, autre…

La suite est à lire sur: basta.media
Auteur: Audrey Parmentier