« Surtout profite de tes vacances ! » – Cueillir le jour sous régime capitaliste

« Surtout profitez bien ! ». C’est devenu presque un ordre : alors que j’annonce à un ami un séjour de deux jours, avec mon compagnon, dans un camping de bord de rivière en Dordogne, la sentence tombe. Il est loin d’être le seul à me donner ce petit conseil. Ma sœur me demande quant à elle de « bien profiter de ma journée » tandis que l’ensemble de mes proches, exceptés ceux de plus de 50 ans, me font le même vœu, dont la forme impérative ressemble étrangement à une injonction. Moi-même, face à une bonne nouvelle du genre, je dégaine mon petit « profite bien », jusqu’à ce que, le jour de mes 34 ans, la répétition des injonctions à « profiter à fond de cette journée » ne vienne renforcer la déprime latente que je ressentais à ce moment-là. Mais pourquoi nous demande-t-on de profiter, au juste ? Et de quoi, en fait ? Petit point lexical sur un vœu de bonheur qui en dit long sur notre rapport au temps sous régime capitaliste.

« C’est les soldes ! Profitez-en ! » : cette affiche colorée dans une des vitrines des (moins en moins nombreuses) boutiques du centre-ville de ma sous-préfecture renvoie a priori au sens premier du mot « profiter » : « tirer un profit de quelque chose, un avantage financier ou autre » nous dit le dictionnaire Larousse. Bon, c’est évidemment largement mensonger car les vêtements soldés sont entassés dans un coin, la nouvelle collection nous fait de l’œil, et tout est fait pour que l’avantage financier que nous puissions tirer de cette période ne soit pas trop important. Les seuls qui vont tirer profit des soldes, ce sont les actionnaires de ces groupes commerciaux ou les propriétaires de ces boutiques, qui ont besoin de ce moment d’illusion de prix bas pour maintenir leurs marges en relançant au forceps la consommation des ménages.

« Les seuls qui ont intérêt à se dire « profite ! » sont des patrons du CAC 40 qui, à la suite d’un déjeuner fin et cher, retournent à leurs activités ordinaires »

« Profitez enfin de vos vacances avec un A/R Bordeaux-Milan pour seulement 49€ ! » annoncent fièrement les publicités de la compagnie Ryanair, qui a l’habitude de casser les prix en traitant son personnel comme de la merde et en défiscalisant massivement, tout en se faisant payer par les localités où elle opère en échange du maintien de ses lignes. Certains vont profiter de leurs vacances (la minorité qui prend l’avion régulièrement, du moins), tandis que les autres vont subir l’impact climatique de l’extension…

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Auteur: Rédaction Frustration Mag