Tampons, serviettes : les manipulations d'une industrie toxique

Le consumérisme se cache dans les détails. Il se faufile dans les recoins les plus intimes de nos existences, apposant son empreinte sur les habitudes que nous pensions les plus anodines. C’est ce que montre avec brio la chercheuse Jeanne Guien dans son dernier ouvrage, Une histoire des produits menstruels (éditions Divergences).

Après avoir disséqué l’histoire des gobelets jetables, des mouchoirs en papier, du déodorant, des smartphones et des vitrines dans Le consumérisme à travers ses objets, la docteure en philosophie se penche ici sur trois emblèmes de notre « culture menstruelle » : les serviettes jetables, les tampons, et les applications de suivi des règles. Trois produits dont l’usage, écrit l’autrice, « implique de vivre dans une société consumériste : un monde où avoir, utiliser, partager quelque chose, c’est d’abord acheter quelque chose ».

Comprendre comment Procter & Gamble, Tampax et consorts ont réussi à imposer leur empire jetable — dont le chiffre d’affaires mondial s’élève chaque année à plusieurs dizaines de milliards de dollars — nécessitait un petit détour par les archives. Via une analyse minutieuse des moyens de communication utilisés par ces entreprises depuis leur lancement, à la fin du XIXe siècle, la chercheuse dévoile les ressorts de ce succès. Parmi les principaux : l’entretien, à grand renfort d’encarts publicitaires et de spots télévisés, d’une haine tenace du corps et des dispositifs « faits maison » longtemps utilisés pour absorber les règles.

La honte comme technique de vente

Imitant les « campagnes de la honte » — décrites dans le précédent ouvrage de Jeanne Guien — qui avaient permis de lancer le marché du dentifrice et du déodorant, les industriels du secteur ont savamment créé, puis entretenu, un sentiment « de peur et de honte » chez les personnes menstruées. Les publicités du début du siècle allaient jusqu’à expliquer, détaille la chercheuse, qu’une femme qui avait ses règles (et n’utilisait pas leurs produits) pouvait être « reconnue (et humiliée) à l’odeur ».

Les linges menstruels jusqu’alors utilisés furent qualifiés (sans fondement scientifique) de « dangereux », obsolètes, et responsables de « 60 % des maladies ». « Les serviettes jetables , écrit Jeanne Guien, étaient comparées au téléphone, à la lumière électrique, à l’accès des femmes à l’université […] et les linges menstruels aux grands-mères. »

Cette stratégie publicitaire a confiné à la marginalité les produits menstruels réutilisables, et permis à une poignée de multinationales d’asseoir leur monopole sur le nouveau « marché des règles ». Bien souvent au détriment de…

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Auteur: Hortense Chauvin Reporterre