« Tant qu'il y a des gamins à la rue, je n'envisage pas d'arrêter d'héberger »

Patrick Sadones, éleveur caprin fromager et arboriculteur, milite au Réseau de solidarité avec les migrants de Rouen (RSM). Depuis 2018, il a hébergé 49 jeunes exilés en attente de prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Il forme actuellement un troisième apprenti sur sa ferme.

Campagnes solidaires : Qu’est-ce qui vous a conduit à héberger des réfugiés ?

Patrick Sadones : Cet engagement m’est prescrit par les valeurs de fraternité qui sont les miennes. Il est aussi en cohérence avec mes fortes préoccupations climatiques. Nous, Occidentaux, avons une très forte responsabilité dans l’origine du changement climatique, compte tenu de notre mode de vie depuis plusieurs générations et de nos modes de production, notamment agricole. La France sera, dans un premier temps au moins, relativement épargnée par les conséquences directes du changement climatique, alors que d’autres populations, bien moins responsables du phénomène, seront chassées de chez elles . En termes d’adaptation, notre priorité est de nous préparer à accueillir ces réfugiés climatiques. Parmi les jeunes que j’ai hébergés, certains peuvent déjà être considérés comme tels.

Quel est le profil des sept personnes vivant actuellement chez vous ?

Ce sont des jeunes originaires d’Afrique de l’Ouest. Ils ont fait l’objet d’une évaluation de minorité par le département et ont été considérés comme majeurs, comme c’est désormais presque systématiquement le cas en Seine-Maritime. Ils se retrouvent donc à la rue. Le RSM les met alors à l’abri dans des familles d’accueil bénévoles et en relation avec une avocate qui, au tarif de l’aide juridictionnelle, les accompagne dans la procédure de recours devant le juge des enfants. Les délais entre la saisine et l’audience sont désormais de plusieurs mois, et depuis un an et demi maintenant, la plupart des juges requièrent des tests d’âge osseux, ce qui a pour effet de retarder encore la prise en charge, quand elle a lieu, car les âges estimés à partir des scanners des clavicules sont souvent éloignés de la réalité.

Sans prise en charge, la scolarisation de ces jeunes est quasi impossible. Ma ferme étant sur le territoire de la métropole de Rouen, mes pensionnaires peuvent accéder par bus au campus de Mont-Saint-Aignan où des cours leur sont dispensés bénévolement trois fois par semaine. C’est essentiel qu’ils puissent bénéficier de cours pendant les longs mois d’attente et d’incertitude.

Le RSM (Réseau de solidarité avec les…

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Auteur: Campagnes solidaires