Avis aux lecteurs : le texte qui suit est technique. Il est technique sur des questions de botanique, de biologie, de réinvention d’un droit situé. Mais peut-il y avoir des révolutions sans des passions pour la technique ? Après tout, la technique ne revient-elle pas à porter une attention scrupuleuse aux modes d’existence enchevêtrés des êtres, humains et non-humains ?
Il s’agit alors peut être de ce que Yuk Hui appelle des cosmotechniques. Un refus des logiques de casualité linaires, et de leur affreuse mise en réseau, qui font ’système’ et qui conduisent, inévitablement, à faire sombrer les rapports entre les êtres dans l’entropie de la totalisation. Ainsi, Yuk Hui nous dit-il : ’La cosmotechnique pose donc d’emblée la question de la localité. Elle est une enquête sur la relation entre la technologie et la localité, c’est-à-dire une recherche des lieux qui permettent à la technologie de se différencier’.
Et si nos rapports techniques aux choses, aux êtres ’autres’ était alors une question de co-animation ? Formes génératives de la technique et donc action de fragmentation contre la systématique du monde de la valeur. Si nous ne voulons pas que la technologie, dans sa monstrueuse composition totalisante, nous absente du monde, il nous faut à nouveau situer les techniques, toujours quelque part, dans les modes d’existence singuliers de nos rapports à des mondes pluriels.
Ce à quoi, il nous semble, les histoires de réapropriations semencières et d’interdépendances communales que nous propose Didier Demorcy font comme un écho.
Pour commencer, peux-tu nous parler du contexte actuel de la culture céréalière en Belgique ?La plus grande quantité des céréales produites de nos jours en Belgique ne servira pas à nourrir des humain.e.s mais plutôt à fabriquer des bio-carburants ou à engraisser du bétail. Or, pour une bonne part, il s’agit de variétés panifiables !
Les meuneries et les boulangeries industrielles déclassent ces blés car ils ne répondent pas aux critères que ces fleurons de l’agro-alimentaire ont progressivement mis en place afin de pouvoir intensifier leurs processus de production. Le fameux gluten par exemple : la sélection variétale moderne cherche continuellement à renforcer la ’ténacité’ de cette protéine insoluble car elle confère aux pâtes une force et une élasticité telles que celles-ci supportent la violence d’un pétrissage mécanique intensif, s’accommodent de l’extrême rapidité des processus de panification et parfois même…
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Auteur: lundimatin