Thèses sur la communication

En réaction au lancement de notre rubrique cyber-philo-technique il y a quinze jours, nous avons reçu cette belle contribution de Frédéric Neyrat portant sur la communication, comme pour arracher cette notion à l’emprise de la cybernétique et, plus largement, des technologies contemporaines. Tirées d’un catalogue intitulé Virus, ces thèses philosophiques tentent de mettre en avant ce qui se joue réellement lorsqu’on communique, en-deça ou ou au-delà de la transmission d’informations.

« Si vous voulez des obscurcissements, vous pouvez compter sur moi ».
Samuel Beckett

Thèse 1 : Il n’y a de communication authentique que de l’incommunicable.

Explication : La communication ne consiste pas à transporter un message d’un point à un autre, à partir d’une identification préalable du destinateur, du destinataire, et des conditions technologiques de l’échange. Toute identification préalable résout par avance le problème de la communication, c’est-à-dire suppose établi ce qu’il s’agit de communiquer, et à qui. Or la communication authentique a pour conditions initiales l’incapacité à répondre aussi bien à la question « qui ? » qu’à la question « quoi ? », les personnes et le sens étant précisément ce qui se dispose au cours de la communication. C’est à l’instant de la communication que les personnes se révèlent et que le sens émerge ; mais ce qui se révèle alors du sens est son énigme, et des personnes leurs masques (cf. Thèse 3). Se révèlent l’incommunicable et ceux qui s’essayent à l’exprimer, à l’ex-communiquer du media lui-même et des églises où l’on cherche, brutalement, à re(a)ssembler.

Thèse 2 : Ne communiquant jamais, l’incommunicable se communique toujours.

Scolie : Par authentique, on entendra – avec Walter Benjamin – non pas vrai, garanti par la tradition, ou éternel, mais irrégulier : c’est l’« once de non-sens », le « saut » requis par la connaissance lorsqu’elle n’est plus gouvernée par le principe d’identité. L’authentique exerce dans la tradition des significations un plastiquage de l’origine dont les effets se font sentir jusque tard dans la nuit.

Explication : L’incommunicable n’est pas objet ou message, il est l’incommuniquant, force négative, frottements autonomisés – ce qui, à l’intérieur même de la communication, y résiste. C’est la résistance de la matière – des matériaux impliqués dans le processus de la communication, dans les supports technologiques comme dans les…

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Auteur: lundimatin