Thomas Münzer, théologien de la révolution

« Jamais nous ne voulons être ailleurs que chez nous. » Ainsi s’ouvre l’Avis au lecteur qui sert de première partie à l’essai de Bloch (une première partie qui tient en un seul paragraphe). J’avoue que j’ai buté d’emblée sur cet incipit : que voulait-il dire par là ? Après avoir (re)lu le livre, j’en suis arrivé à la conclusion que « chez nous », c’est le Royaume, soit le communisme, l’Éden de l’humanité enfin réconciliée avec elle-même, jardin dont nous sommes encore et toujours chassés, non par un Dieu jaloux, mais par nos oppresseurs. Une longue théorie de révoltes et d’insurrections ont tenté et tentent encore de « monter à l’assaut du ciel », suivant l’expression de Marx à propos des communard·e·s. Ce ciel, selon Bloch, ce n’est rien d’autre que « chez nous ». Un « chez nous » universel (catholique !), au sens d’« égalitaire ». Si ce « nous » comprend le genre humain dans son ensemble (voire, aujourd’hui, l’ensemble de ce que jadis on appelait la Création), alors, « il n’y aura plus ni persécution, ni souffrance, ni oppression, et […] il ne sera point permis d’élire un roi, parce que Dieu seul régnera, et que le royaume sera donné au peuple de la terre. »

On comprendra peut-être mieux l’intention de Bloch en lisant cet extrait de la dernière partie du livre, tout aussi brève que la première, intitulée « Note éditoriale » : « Le livre qu’on vient de lire date de 1921. […] l’ouvrage reste le même, œuvre de jeunesse qui traite d’un important sujet. Il est comme un appendice à l’Esprit de l’Utopie paru en 1918 et réédité en 1923. Son romantisme révolutionnaire trouve mesure et détermination dans notre Principe espérance. »

Personnellement, j’aime bien cette idée de romantisme révolutionnaire. Évidemment, elle n’est pas partagée par tous les marxistes. Engels d’abord, que l’on ne peut guère taxer de romantisme, et cela même s’il a donné une histoire de La Guerre des paysans en Allemagne – avec d’ailleurs une motivation de départ que l’on retrouvera chez Bloch et qui est bien exprimée dès le début de son essai : « Le peuple allemand a, lui aussi, ses traditions révolutionnaires. Il fut un temps où l’Allemagne a produit des hommes qu’on peut comparer aux meilleurs révolutionnaires des autres pays, où le peuple allemand fit preuve d’une endurance et d’une énergie qui, dans une nation centralisée, eussent donné les résultats les plus grandioses, où les…

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Auteur: lundimatin