Tiques : décrypter nos perceptions pour mieux se protéger ?

La problématique des tiques revient régulièrement dans le débat public en France, que ce soit à travers les médias, la mobilisation de malades, les études scientifiques ou les propositions politiques.

Ainsi, l’association France Lyme a été fondée en 2008 autour de revendications de prise en charge de personnes atteintes par la borréliose ou maladie de Lyme, qui peut être transmise par des tiques infectées, et particulièrement la demande de reconnaissance d’une forme chronique de la maladie.



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Dans le champ politique, deux rapports de l’Assemblée nationale ont été publiés en mars 2021 et juillet 2021. Des « points de crispation » ne sont pas éludés, notamment des controverses sur la question de troubles chroniques.

Sur le plan de l’expertise des agences liées à l’État, la Haute autorité de santé (HAS) a publié en mars 2022 un guide de parcours de soin, structuré autour de la prise en charge des patients et afin de « réduire l’errance médicale ».

La perception des tiques, un impensé ?

Enfin, dans la presse, quotidiens comme magazines se font régulièrement le relais d’experts, médecins et associatifs. Beaucoup d’articles publiés sur le sujet mettent notamment l’accent sur la dimension de santé publique, de prévention, et les débats relatifs à la maladie de Lyme.

Le volet des perceptions sociales, toutefois, a été moins abordé. Parmi les publications académiques d’Amérique du Nord sorties jusqu’en 2016, des chercheurs ont dégagé 2 258 articles sur les tiques, parmi lesquels seuls 8,9 % portent sur les savoirs et représentations, quand 32,6 % concernent la pertinence des tests de dépistage.

La problématique des tiques interroge pourtant à la fois les interactions société-nature et la santé globale, par exemple pour cartographier les zones les plus marquées d’activité des tiques.

Enquête de terrain dans l’Est

Au sein d’un projet pluridisciplinaire, nous avons étudié d’un point de vue sociologique les représentations professionnelles et sociales des tiques à partir d’un travail de terrain mené dans la région rurale et forestière d’Argonne ; cette zone de nature, qui s’étend sur les départements de la Marne, des Ardennes et la Meuse, est propice à favoriser les rencontres humains-tiques.

Une interface associant chercheurs et acteurs locaux y étant implantée, nous avons opté pour une démarche de sciences participatives, en enquêtant auprès des chasseurs, forestiers, agriculteurs, associations de nature et randonneurs, à l’aide d’entretiens, d’observations directes et de questionnaires.

Recueillir la diversité des perceptions et des savoirs d’usage sur un même territoire vient compléter les déclarations individuelles de piqûres encouragées par ailleurs au sein du projet CiTIQUE porté par l’Inrae.

David Pierrard, responsable de l’École et Domaine de Belval, Fondation François Sommer : la question des tiques constitue-t-elle aujourd’hui un enjeu ayant rapport avec la chasse ? (Université de Strasbourg, 14 novembre 2022).

« Connaissances rurales »

Nous avons interrogé les différents groupes d’acteurs par rapport aux trois niveaux des connaissances, des représentations et des pratiques liées aux tiques. Les savoirs renvoient à une inscription locale dans « la ruralité », rapportée à des traditions et à des connaissances. Un technicien cynégétique avance :

« Il y a une somme de connaissances rurales. Si je veux être un chasseur de migrateurs, il faut que je m’y connaisse un petit peu, il y a des endroits où je vais être sur des passages, etc. »

La formation aux enjeux écologiques ou médicaux liés aux tiques n’apparaît pas première, qu’il s’agisse des fédérations de chasseurs comme des associations de sport nature. Les connaissances exprimées sont légitimées par l’observation directe de tel lieu, telle faune, telle saison.

Observation participante au cœur d’une battue de chasse au grand gibier organisée par la Fédération des chasseurs des Ardennes.
Aude Dziebowski/UMR SAGE, Fourni par l’auteur

Les représentations des tiques sont empreintes de ce répertoire…

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Auteur: Philippe Hamman, Professeur de sociologie, Université de Strasbourg