« Tout ce qui est possible a d'abord été impossible »

Sous-titré « Par-delà l’imaginaire des cabanes et des ruines » ce livre est à l’image de son objet : difficile à enfermer dans les catégories courantes. Ouvrage de critique littéraire, essai de philosophie politique ou ni l’un ni l’autre, il traite des liens entre science-fiction et utopie, et de la place de cette dernière dans la volonté de transformation du vieux monde. Le déplacement qu’il introduit, en nous invitant à prendre l’utopie au sérieux, au point de « ne pas subordonner sa puissance politique à sa seule réalisation future », en nous posant la question des images et des mots qui nous guident, nous ouvre sur des perspectives, telles celle d’un « temps non-linéaire », qui pourraient nous aider à sortir d’un présent où « la dystopie a quitté la fiction pour venir se fondre dans la réalité comme un horrible blob gluant et visqueux ». SF et utopie : l’interfécondité de ces deux imaginaires passe par l’appréhension critique d’auteurs comme Damasio, Le Guin, Iain M. Banks mais aussi Hanna Harendt ou Miguel Abensour.

Donner de l’envol à l’utopie par la SF en évitant à celle-ci de n’être qu’un réservoir de gadgets pour la Silicon Valley, et à celle-là une communauté refermée sur elle-même : un beau programme pour les raconteurs du blob où nous vivons.

Bonnes feuilles

Tout ce qui est possible a d’abord été impossible : que la Terre soit ronde et tourne autour du Soleil ; que l’homme ne soit pas le centre du monde ni que le moi soit maître en sa demeure ; que les rois ne soient pas de droit divin ; que l’humain descende du singe ; qu’à partir d’une bactérie se soit développée la vie dont on doit peut-être l’apparition à une pluie de météorites s’étant posées sur notre rond rocher avec grand fracas il y a environ quatre milliards d’années, trimballant gaiement dans leurs valises extraterrestres acides aminés, bases nucléiques et sucres.

Qu’en allant manifester des mains soient arrachées, des yeux crevés, des personnes racisées tuées lors de contrôles policiers ; qu’il soit interdit de filmer les forces de l’ordre alors qu’elles sont lâchées dans les villes comme des hordes de loups enragés ; que des citoyens et citoyennes soient noté·e·s sur leurs façons d’emprunter les passages piétons ; qu’en regardant un écran publicitaire dans le métro, son regard soit capté par une caméra qui permette la reconnaissance faciale ; qu’une femme meure tous les deux jours sous les coups de son conjoint…

La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: lundimatin