Toutankhamon : un jeune prince face aux handicaps ?

« Vous voyez quelque chose » ? « Oui, des merveilles… » s’extasie Howard Carter, le 4 novembre 1922. Le tombeau qu’il vient de mettre au jour, est intact et ses sceaux sont inviolés – ou presque. Partout le scintillement de l’or, du lapis-lazuli et des pierres précieuses, la délicatesse des mobiliers de bois marquetés au nom de Toutankhamon. Plus de 5 000 objets s’entassent dans la tombe minuscule… (matricule KV62, KV pour Kings Valley).

Dès le 30 novembre, la nouvelle est en une du Times et fait aussitôt le tour du monde : il s’agit alors de la plus incroyable découverte archéologique jamais réalisée, plus frappante à sa façon que celle, en 1881, de la cache royale où s’entassaient les momies de presque tous les plus grands pharaons du Nouvel Empire (XVIIIᵉ, XIXᵉ et XXᵉ dynasties) – les Ramsès et autres Thoutmosis. Toutankhamon ne s’y trouvait pas… Comme le souligne non sans humour l’archéologue, « le fait le plus marquant de sa vie fut qu’il mourut et fut enterré ». C’est d’ailleurs sur ce quasi-anonymat et son oubli par l’histoire que comptait le Britannique.

Une momie au destin compliqué

La momie était demeurée préservée depuis son embaumement. L’équipe de Carter mit huit ans pour documenter, photographier, vider la tombe et achever le « déballage » de la précieuse dépouille en inventoriant les centaines d’objets personnels qui y sont étroitement associés.

Le corps, que Carter note comme lui paraissant « carbonisé », apparaît toutefois très dégradé, soudé par les huiles et les résines utilisées en quantité par les prêtres embaumeurs. Le traitement qu’il subira pour être sorti de son cercueil doré n’arrangera guère cet état déjà précaire. La tête sera séparée du corps, de même que les bras et les jambes – le petit roi est désormais en 18 morceaux !

Tête de la momie de Toutankhamon, noircie par l’embaumement

Retrouvée dans son cercueil, la momie de Toutankhamon a été passée au crible de nombreuses analyses (radiographie, ADN, etc.).
Nasser Nouri/VisualHunt, CC BY-NC-SA

La chair, sous l’action des produits d’embaumement, s’est flétrie de façon inhabituelle, lui donnant un aspect « confit ». La teinte noirâtre de la peau pourrait aussi renvoyer au culte d’Osiris, le souverain des morts aussi sombre que le limon du Nil qui régénère les cultures rappellent certains égyptologues. La momie présente d’autres « curiosités », comme l’absence du cœur (pourtant indispensable au défunt puisqu’il doit être pesé pour juger de sa pureté et permettre son passage dans l’au-delà) et le pénis embaumé dans une position érectile.

Après de premiers examens succincts, elle ne sera pas remmaillotée et a patientera dans des conditions de conservation… peu idéales. Laissée un temps dans sa tombe, elle sera ainsi visitée par des pilleurs qui arracheront les rares bijoux que conservait le jeune roi – dont son bonnet de perles et un pectoral soudé par la résine à sa poitrine.

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Inventaire mortel à la Prévert…

Le cas de Toutankhamon est typique des nombreux écueils associés aux examens paléopathologiques de « patients » anciens, qui produisent autant de résultats contradictoires que de spéculations fantaisistes.

La recherche des causes d’un décès prématuré – le jeune homme n’avait pas 20 ans – en 1324 avant notre ère en est un exemple particulièrement frappant.

Les analyses débutèrent en 1968, les premiers rayons X révélant une anomalie à l’arrière du crâne, ainsi que la présence de fragments osseux dissociés (déjà remarqués dans les années 1920) : les conséquences d’un choc généré par un objet contondant ? La preuve d’un meurtre sordide, fomenté par l’intrigant vizir Ay, qui lui succède sur le trône alors que la XVIIIᵉ dynastie touche à sa fin ? Ce forfait aurait ensuite été masqué par un excès de résine…

Cliché aux rayons X du crâne de Toutankhamon (début des années 1970), avec la masse de résine en deux blocs clairs.
Université de Liverpool, archives

Des investigations plus poussées ont ensuite démontré que…

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Auteur: Valérie Delattre, Archéo-anthropologue, INRAP, Université de Bourgogne – UBFC