Il y a quelques années, écrasant ainsi les concurrents Baedeker, Hachette ou autre Lonely Planet, écrivain subtil, Pierre Gazio avait commis un excellent guide des stations de métro du Caire, sept stations parmi d’autres et singulièrement auscultées par leur dehors autant que par leur dedans, avec à chaque fois une observation méticuleuse du quartier en question, de son ambiance et de son irrémédiable sociologie.
Naturellement ironique et même ironiste à la ville, Pierre Gazio écrit du ton qui est le sien au quotidien, tant mieux, car nous en profitons. Collecteur de pittoresque, de traits d’esprit, l’œil ou l’oreille de Pierre Gazio trouvent en Égypte, où il vit depuis 40 ans, une nourriture inépuisable, car de ce pays tyrannisé ne manque d’émaner un plein de fatalisme, d’humour et de mauvaise foi propre à enjouer un récepteur aussi raffiné que l’auteur de Transports égyptiens. Un tel théâtre exerce une certaine fascination sur les tempéraments contemplatifs, qui n’en compatissent pas moins, si bien qu’on s’y installe malgré soi, collé à l’incessant paysage humain que proposent des villes comme Le Caire ou Alexandrie.
Gazio fait la queue pour acheter son billet de train au guichet de la gare : « … miracle local, partout où il y a foule, l’exaspération est vite désarmée par une fantaisie et un sens délicieux de l’absurde qui réduisent à néant l’ennui du quotidien. » Quant au voyage, il ne manque pas de piment, le moindre détail y vaut, pourvu qu’il puisse être l’objet d’un sourire, sinon d’une perplexité de bon aloi. En tant qu’étranger (il le restera toujours, quoique habitant de longue date), il se trouve contingenté dans un wagon réservé aux touristes. Lesquels méritent aussi d’être croqués à leur juste mesure, comme ce jeune européen maigrichon et velu, ignorant du climat hivernal du sud égyptien, et surtout du froid intense dispensé dans une…
Auteur: dev