Traque des exilés en bande organisée

Ce samedi matin, il est 8 h 20 quand la cavalerie déboule par la rue des Maréchaux. Le convoi habituel : quatre fourgons de gendarmerie mobile bleu nuit suivis de deux camions appartenant à une société de nettoyage locale. Après un arrêt de quelques minutes devant le commissariat, place de Lorraine, ils repartent, accompagnés d’un véhicule de la police nationale, chargé de superviser leur traque. Quinze minutes plus tard, le convoi s’arrête pour la première étape de son « destruction tour », à côté du parking d’un hypermarché. Là, un petit chemin s’étire le long du magasin vers une lande pelée. Les nettoyeurs privés et la plupart des gendarmes stationnés à l’intérieur des camions s’y engouffrent, pendant que d’autres barrent la route – pas de témoins, surtout.

Ils n’ont rien ? Ils auront encore moins

En compagnie de deux bénévoles participant au projet Human Rights Observers (HRO), on les regarde s’éloigner le long de ce chemin qu’on avait parcouru plus tôt dans la semaine, aux environs duquel sont disséminés quelques dérisoires campements de fortune – bâches boueuses, foyers éteints, couvertures déchirées. Ce que traquent les policiers aux visages dissimulés par des passe-montagnes, pour certains armés de LBD, ce sont ceux qui y « habitent ».

Et surtout : leurs affaires, sordide butin qui finira dans le container pourrissant d’une proche ressourcerie, ultime étape de ce « vol systématisé ». Ils n’ont rien ? Ils auront encore moins.

La deuxième étape se déroule près de cette zone désignée sous le nom de « Hospital », parce qu’elle s’étend devant le centre hospitalier de Calais. Jusqu’au 28 septembre dernier, il y avait un camp ici, où vivaient plusieurs centaines d’exilés, près d’un millier selon certains associatifs. Ce matin-là, un Soudanais de 16 ans, Yasser, avait perdu la vie en tentant d’embarquer dans un camion pour l’Angleterre. En toute indécence, et sous les encouragements du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, une opération d’expulsion à grande échelle avait été lancée le jour même – paye ton deuil. Pour bien enfoncer le clou, les terrains concernés ont ensuite été déboisés et scarifiés à grands coups de bulldozer. Trois semaines plus tard, on observe les policiers s’éparpiller sur cette zone glauque, striée de rares bosquets, pour chasser les exilés qui y sont revenus – faute d’autre refuge – et confisquer les maigres biens de ceux qui n’ont pu les mettre à l’abri ou…

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Auteur: Émilien Bernard (CQFD)