Traverser la Manche : derrière le désespoir des migrants, l'histoire d'une honte européenne

À Calais, la pression policière est constante, visible dès l’arrivée en gare, où CRS, gendarmes mobiles, policiers du commissariat local et agents de sécurité traquent les migrants sur les quais, même quand ceux-ci cherchent à quitter les lieux. Tout le jour durant, les camions de police s’arrêtent le long des routes pour inviter les migrants, qu’ils soient Afghans, Syriens, Irakiens ou Kurdes, à rebrousser chemin ou à hâter le pas ; ils patrouillent le long des côtes, détruisant systématiquement le matériel de camping qui est lacéré et arrosé de gaz lacrymogène pour le rendre inutilisable. « L’objectif n’est pas caché, peut-on lire sur le fil twitter du projet Human Rigths Observers (HRO) : saisir les tentes alors que les associations ne sont plus en mesure d’en distribuer ».

C’est dans ce contexte que les traversées autonomes par voie de mer, présentées jusque-là comme impossibles et beaucoup trop dangereuses, sont devenues le choix d’une majorité de migrants. Fin 2014, les corps de deux Syriens avaient été retrouvés, l’un aux Pays-Bas et l’autre en Norvège, ce dernier pratiquement à l’état de squelette. L’un d’eux avait été identifié, et le second associé au premier car tous deux avaient revêtu les mêmes combinaisons de véliplanchiste. À l’époque, ce fait divers avait défrayé la chronique, et le projet perçu comme la folie de deux inconscients probablement désespérés.

Dans les eaux de la Manche, la survie ne dépasse pas quelques minutes

Fin 2018 pourtant, les tentatives se multiplient, avec un taux de réussite bien supérieur aux tentatives d’incursion dans les camions et autres passages en force. Les plages des dunes de Sangatte sont les plus courtisées. De là, on assiste au ballet incessant des ferry-boats rejoignant Douvres depuis Calais et il n’est pas rare d’en voir trois ou quatre se suivre ou se croiser au large en même temps. Le matériel de navigation est acheté chez des revendeurs ou sur le Bon coin par les passeurs – plus rarement par les demandeurs d’asile eux-mêmes – le coût d’une traversée étant estimé entre 2000 et 5000 €, avec un taux de réussite initial de 40 à 50 %. Vendeurs et revendeurs sont surveillés, aussi les achats s’effectuent désormais de plus en plus loin du point de départ. Si le taux de réussite est élevé, le risque de décès pendant la traversée l’est aussi, de l’ordre de un pour mille.


Un ancien organigramme de l’Auberge des migrants peint sur une cloison de bois. La plupart de ces…

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Auteur: Olivier Favier