Trente ans avant Tchernobyl, la catastrophe nucléaire de Kychtym

Moscou (Russie), correspondance

Le 29 septembre 1957, en Russie, l’explosion d’un stock de déchets radioactifs dans l’usine de Mayak, au sud de l’Oural, a provoqué l’irradiation d’une zone de 23 000 km² affectant plus de 270 000 habitants. Le secret maximum sur cet accident fut alors maintenu. De niveau 6 sur l’échelle internationale des événements nucléaires (Ines), il s’agit du troisième plus grave accident nucléaire de l’histoire après Tchernobyl et Fukushima, classés au niveau 7.

Il a pourtant fallu attendre près de vingt ans pour que les premières informations sur cette catastrophe soient révélées. Dans un article publié dans la revue New Scientist en 1976, le biochimiste soviétique Jaurès Medvedev, dissident exilé au Royaume-Uni, évoquait une explosion nucléaire dans la région de Kychtym, seule ville à proximité du complexe nucléaire apparaissant sur les cartes de l’époque. Il publia un livre plus détaillé sur ses recherches trois ans plus tard, en 1979, Nuclear Disaster in the Urals (traduit en français en 1988, Désastre nucléaire en Oural, aux Éditions Isoète). Presque dix ans se sont écoulés avant que l’Académie soviétique des sciences reconnaisse officiellement l’accident en 1988.

C’est une défaillance du système de refroidissement de l’une des cuves de déchets qui causa l’explosion. Cette cuve contenait 70 à 80 tonnes de liquides hautement radioactifs qui ont été projetés en l’air. Si 90 % retombèrent à proximité immédiate du site de Mayak, l’explosion entraîna la formation d’un panache radioactif, dérivant vers le Nord-Est. « Des centaines de personnes ont été tuées et des milliers ont été contaminées par les radiations », estimait Jaurès Medvedev dès 1976.

En 1957, les autorités soviétiques prirent la décision de garder le secret sur la catastrophe. Ils mirent six jours avant d’évacuer les zones les plus exposées et ne donnèrent pas d’explication aux habitants. Au cours des deux années suivant la tragédie, 10 000 personnes d’une vingtaine de villages furent ainsi déplacées. D’autres, comme celui de Tatarskaya Karabolka, pourtant dans la zone irradiée, ne furent pas évacués, sans qu’aucune raison logique puisse expliquer cette décision.

Rapidement, les premières victimes des radiations sont apparues, mais il était interdit aux médecins d’en parler dans les rapports médicaux.

Une contamination durable

La construction du site de Mayak a été décidée à la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’Union…

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Auteur: Estelle Levresse Reporterre