Tribune. Sophie Pétronin, l’otage que la France a oubliée

Sur le site internet de son comité de soutien, une horloge égrène les heures. Cela fait 1316 jours que Sophie est aux mains de ses ravisseurs, quelque part sous les étoiles du Mali (mais les voit-elle seulement, les étoiles ?). Et cela fait 1316 jours que la France, notre pays, son pays, se tait.

Mon père, comme Sophie Pétronin, était médecin humanitaire. Il était de la génération qui n’allait plus à la messe mais s’était trouvée un autre messie : le french doctor. J’imagine que la jeunesse de Sophie, elle aussi, a du être hantée par les orphelins du Biafra et les boat-people, ces images en couleurs tremblotantes qui venaient rappeler à l’Occident qu’ailleurs dans le monde, on continuait à mourir de faim.

Dans une France où l’on se fait un devoir d’abandonner ceux qui nous ont aidé, des harkis aux traducteurs afghans de l’armée française, Sophie détonne. Elle refuse d’abandonner les siens, ses orphelins.

En 1996, Sophie, laborantine devenue médecin, s’est envolée pour le Mali. Et sans doute a-t-elle ressenti ce qu’Albert Camus écrit : « On voyage pendant des années sans trop savoir ce que l’on cherche, on erre dans le bruit et l’on parvient soudain dans un de ces deux ou trois lieux, qui attendent patiemment chacun de nous en ce monde. On y parvient et le cœur enfin se tait, on découvre qu’on est arrivé ». Après des allers-retours comme autant d’évidences, Sophie a fini par tout plaquer et par s’installer à Gao, au début des années 2000. Dans un vieux reportage, elle est grave et pourtant elle s’oblige à être tendre ; les orphelins de la ville ont besoin d’elle.

Dans ce nord-Mali où la misère est partout et l’État nulle part (et surtout pas dans le secteur de la santé), son Association d’aide à Gao est un petit miracle. Sophie n’est plus une étrangère. Elle n’a rien de commun avec ces humanitaires du dimanche qui traversent la Méditerranée en quête éperdue de bonne conscience et qui, dans les dispensaires le jour, dans les discothèques la nuit, ne cherchent pas tant à aider qu’à se faire aimer. Au Mali, Sophie Pétronin est chez elle. Elle parle le…

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