Tu n'es pas venue

Je comprends que tu ne sois pas venue. Pas facile de sortir de sa cachette, hein ? Mais je le regrette. J’avais dit oui à l’idée de se retrouver sur le terrain vague pour engager la nouvelle année avec quelques zigues, mais le cœur n’y était pas. J’ai eu beau trinquer, frapper des mains pour encourager les danseurs, je sentais partout ton absence.

Je te comprends, je t’assure. Je sais qu’elle a été brutale cette histoire, et qu’elle est tellement ancrée en toi que tu peines à imaginer pouvoir en sortir un jour. Tu croyais faire partie des soignants dévoués – ceux qu’on applaudit, tu as été désavouée par le peuple solidaire. Tu as été jetée hors de ce lieu où personne n’avait voulu aller, hors de ce désert médical qui était devenu ton oasis. Il fallait que tu cesses séant d’exercer la médecine, et que tu débarrasses le plancher.

Je sais qu’au début, tu n’y avais pas cru, à cette loi d’août 2021. Tu t’es retournée vers les voisins pour savoir si tu étais en train de rêver, et s’ils trouvaient ça normal. C’est là que tu as commencé à comprendre que tu ne rêvais pas. Quelques âmes semblaient te soutenir, mais d’autres signifiaient que tu t’étais dangereusement égarée, et que tu avais basculé dans le camp de ceux qui jouent avec la santé des autres. Tu avais été dénoncée – c’était légal et solidaire, tu étais menacée d’amende et de prison. Aucun recours, aucun appui, aucune solution de rechange. La science c’est bienveillant, et ton attitude était trop malvenue.

Ce furent alors, seule dans ta tête, des discussions sans fin. Tu leur disais que toi, docteure, tu réclamais seulement le droit à la réflexion. Il n’y avait aucune gloire à ne pas se vacciner : ça t’était seulement apparu plus sage, vu les dégâts constatés alentour. Par contre – pourquoi ne le reconnaissaient-ils pas ?, tu avais pris le virus très au sérieux, d’autant que beaucoup de tes patients étaient âgés. Tu aérais, tu nettoyais, tu prenais toutes les précautions – évidemment. Et tu essayais de prévenir les infections en indiquant comment entretenir leur vitalité.

Tu confessais aussi que pendant tes longues études, tu avais lu Illich. Il t’avait appris que les traitements médicaux peuvent contribuer à l’émergence de maladies et qu’en ce cas, le mal produit est pire que le mal guéri puisqu’on engendre des pathologies dont ni la technique moderne ni l’immunité naturelle ne peuvent venir à bout. Il t’avait prévenu que la santé pouvait…

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Auteur: lundi-matin