­Tunisie : « Nous autres n'avons pas de peuple »

Le 25 juillet, au soir d’une journée de manifestations, le président tunisien Kaïs Saïed a renvoyé le premier ministre, temporairement suspendu le parlement, levé l’immunité de ses membres et annoncé qu’il prendrait un certain nombre de décisions par décrets, en recourant à l’article 80 de la constitution tunisienne (par ailleurs très proche de l’article 16 de la constitution française).

Pour justifier ce coup de force, il a fallu mobiliser la propagande habituelle et éculée du « péril imminent » : les jeunes manifestants des quartiers populaires seraient payés par des responsables ou partis adverses pour descendre dans la rue et semer le désordre. Inutile de chercher davantage de détails ou de précisions, la chanson est connue, il s’agit de disqualifier les nombreux mouvements de protestations de ces derniers mois, de dénier la capacité propre à agir de celles et ceux qui manifestent et d’évacuer toutes les revendications et cibles en écrasant le débat sous la question générique de la corruption.

Alors que les éditorialistes glosent pour s’avoir s’il faut parler de coup d’état et s’interrogent sur ce qu’il pourrait rester d’une « transition démocratique », nous publions la traduction de cette courte mais lumineuse intervention de Nidhal Chamekh le 28 juillet dernier.

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Au milieu de tout ce tapage, il n’y a pas la place pour la moindre parole divergente, pour le moindre point de vue en dehors de l’ordre régnant. Toutes les fois où nous étions proches d’un tournant, rendant possible, ou à la limite envisageable, que s’ouvre un espace plus large, vous nous avez renvoyés dans le même enclos délimité par le pouvoir et le système. Chaque pensée ou mouvement qui s’en éloigne est délibérément passé sous silence ou réduit de manière à pouvoir être enveloppé d’un emballage libéral, à l’intérieur de la même polarisation binaire du système.

Toute personne mettant en garde contre l’aggravation de l’autoritarisme d’un régime déjà fondamentalement autoritaire et contre un retour à la cage de la dictature est aussitôt catégorisée comme soutenant [le parti] Ennahda, sa clique d’affairistes et de suceurs de sang, et cela de manière policière, alors même que de nombreux individus et groupes que cela alertait déjà n’ont pas arrêté d’affronter le régime dans son ensemble, ses nahdaouis [membres ou soutiens d’Ennahda], ses modernistes ou ses progressistes apathiques. Pour nous il n’y a pas de différence entre Ennahda et…

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Auteur: lundimatin