Ukraine : « De quelle paix parlons-nous ? » Entretien avec Gilbert Achcar

La guerre en Ukraine a reconduit et prolongé les débats au sein des gauches dans le monde sur la question de l’anti-impérialisme et des positions stratégiques à adopter. Dans cet entretien, Gilbert Achcar revient sur un court texte publié récemment sur notre site dans lequel il plaidait pour une « position antiguerre démocratique ». Il interroge en particulier les conditions d’un véritable cessez-le-feu, critiquant à la fois les positions entérinant les conquêtes russes obtenues par la force militaire, et des positions va-t-en-guerre qui exigent une implication beaucoup plus forte encore de l’OTAN, laissant planer le scénario apocalyptique d’une guerre généralisée et d’une escalade nucléaire.

***

NP : Gilbert, le 30 novembre, tu as publié un court article intitulé « Pour une position antiguerre démocratique face à l’invasion de l’Ukraine ». Tu commences cet article en distinguant deux positions communes à gauche concernant l’Ukraine. L’une de ces positions s’oppose aux livraisons d’armes des pays de l’OTAN à l’Ukraine, arguant qu’en tant que mouvement pacifiste, nous devrions appeler à la diplomatie et à la désescalade en ce qui concerne les livraisons d’armes. Pourrais-tu expliquer ce qui ne va pas avec cette position ?

GA : La principale position qui me préoccupe à cet égard est l’appel à un cessez-le-feu inconditionnel. Il est souvent associé à la position que tu as décrite. À première vue, cela est motivé par un désir de paix, un objectif certes très louable. Et je ne doute pas que parmi ceux/celles qui défendent une telle position, il y ait de véritables pacifistes et des gens qui soupçonnent légitimement les gouvernements occidentaux, le gouvernement américain en premier lieu, d’utiliser les Ukrainiens comme chair à canon dans une guerre par procuration contre la Russie, leur rival impérialiste. Je suis, bien sûr, moins bien disposé envers ceux/celles qui n’ont commencé à préconiser un cessez-le-feu inconditionnel que lorsque les forces russes ont proclamé qu’elles avaient atteint leur objectif principal ou lorsqu’elles ont commencé à perdre du terrain dans le Donbass même.

Plusieurs questions se trouvent ici impliquées. La première est que cela n’a pas beaucoup de sens d’appeler à la paix dans l’abstrait. La question qui se pose immédiatement est : de quelle paix parlons-nous ? La domination impériale s’est souvent qualifiée elle-même de « paix » depuis l’époque de la Pax Romana au début de l’ère commune, sinon…

La suite est à lire sur: www.contretemps.eu
Auteur: redaction