Ukraine : trois scénarios pour la suite (et la fin ?) du conflit

Près d’un an après le déclenchement de l’opération militaire russe contre l’Ukraine, le 24 février 2022, quelles sont les évolutions possibles du conflit dans les mois qui viennent ? La difficulté de la prospective est particulièrement marquée pour ce conflit car les « surprises » militaires, diplomatiques et stratégiques ont été nombreuses.

D’un côté, la combativité des forces ukrainiennes, le soutien de l’UE et des États-Unis à Kiev, les difficultés logistiques et tactiques des forces armées russes ont pris Moscou de court. D’un autre côté, la résistance de l’économie russe aux sanctions, l’ampleur des migrations ukrainiennes vers l’Europe, le blocage des instances de l’ONU ainsi que le soutien mesuré de la Chine, de l’Inde et de plusieurs pays d’Afrique à la Russie ont surpris les chancelleries occidentales.

Trois scénarios majeurs sont aujourd’hui envisageables.

Scénario 1 : un revers russe caractérisé

Sur le plan militaire, les forces armées de Moscou lanceraient une nouvelle offensive sur Kiev, comme en février 2022, ainsi que sur le bassin du Don (le Donbass, dont une large partie se trouve toujours aujourd’hui sous le contrôle des Ukrainiens) et sur la province de Kherson afin d’essayer d’obtenir un succès éclatant aux yeux de la population russe.

Mais ces attaques échoueraient. La Russie perdrait de nombreux hommes et une grande partie des quatre provinces ukrainiennes illégalement rattachées à la Fédération de Russie en septembre 2022. Elle constaterait que son objectif stratégique initial (le changement de régime à Kiev) s’est soldé par un échec. L’Ukraine reprendrait des bastions russes dans le Bassin du Don et ferait mouvement vers la Crimée.

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Plusieurs facteurs pourraient consacrer cette défaite russe. Sur le plan intérieur, la mobilisation et l’entraînement des réservistes se heurteraient à plusieurs limites : nouvelle fuite des mobilisables hors du territoire russe ; incapacité du commandement russe à entraîner efficacement les nouvelles recrues ; épuisement de la Base industrielle et technologique de Défense (BITD) russe ; montée en puissance des effets des sanctions occidentales sur le budget de la Fédération ; crise dans les cercles dirigeants russes, notamment au niveau du ministère de la Défense.

En Ukraine, la réalisation de ce scénario est subordonnée à plusieurs conditions : la résistance de la présidence ukrainienne à l’usure de la guerre, sa capacité à remporter les élections législatives de l’automne 2023, la poursuite de l’aide militaire américaine et européenne à un niveau compatible avec la consommation inévitable de matériels de guerre sur les champs de bataille, et la capacité à tenir plusieurs fronts en même temps. Le chef d’état-major ukrainien, Valeri Zaloujny, a exprimé un certain nombre de souhaits en décembre : 300 chars, 600-700 véhicules de combat d’infanterie, 500 obusiers pour la victoire.

Enfin, sur le plan international, ce scénario suppose que la Russie perde la position de force que lui a conférée en 2022 la hausse des prix des produits énergétiques. Il faudrait pour cela que ses clients développent des sources d’approvisionnement alternatives, ce qu’ils ont déjà commencé à faire.

L’horizon de ce scénario favorable à l’Ukraine serait l’ouverture de négociations de cessez-le-feu puis de paix.

Toutefois, si la défaite russe est d’ampleur, un désordre politique interne pourrait paralyser le leadership russe et instaurer à Moscou un chaos privant le pays de la capacité à s’engager réellement dans des négociations. Pour que de telles négociations soient couronnées de succès, il conviendrait donc tout à la fois que la Russie considère la guerre comme durablement perdue, et qu’elle conserve une chaîne de commandement efficace. Deux points redoutablement durs à traiter seraient le sort de la Crimée et l’avenir de la candidature de l’Ukraine à l’OTAN. En somme, ce scénario serait l’extrapolation des contre-offensives ukrainiennes réussies d’août à octobre 2022.

Scénario 2 : un succès tangible pour la Russie

Le scénario inverse consisterait en une série de succès militaires pour la Russie à partir de…

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Auteur: Cyrille Bret, Géopoliticien, Sciences Po